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Après avoir donné et pris quelques renseignements, je quittai le poste de commandement de la Sucrerie, puis, par la « route de Bucquoy », à toute allure, je roulai vers Beaurains. Depuis le matin, j’entendais le canon qui grondait de plus en plus fort vers Arras, et j’avais hâte d’y être. Il devait être entre onze heures et midi quand j’arrivai à la sortie Sud du village de Beaurains sur la grande route d’Arras à Bapaume. Quelques autos arrêtés au bord de la route face au Sud indiquaient seuls le poste de commandement de la subdivision d’armée. Le lieutenant-colonel des Vallières assis dans sa limousine écrivait des ordres. Le général de Maud’huy, debout sur la route, regardait et écoutait la bataille. Il la vivait, recevant des comptes rendus et interrogeant les blessés qui se dirigeaient en file vers Arras.

À la sortie sud du village, une petite maison isolée aux contre-vents verts servait de central téléphonique. Une antenne de T.S.F. était dressée dans un champ au bord de la route. Des officiers en automobile arrivaient, repartaient, portant des ordres et des renseignements.

Je fis au lieutenant-colonel des Vallières mon rapport, et il me dit :

— Mettez-vous vite au courant de la situation. Voici les ordres donnés et les renseignements reçus.

Et tout de suite, au mouvement de la scène, au demi-cercle de canonnade qui nous entourait (nous étions à 4 kilomètres des tirailleurs ennemis), aux modifications que les ordres que je lisais avaient subies, aux retards de l’exécution, à l’absence de tout renseignement autre que celui fourni par le combat lui-même, je compris que les choses n’allaient malheureusement pas tourner comme nous l’avions prévu et qu’en tout cas, au lieu de « subir notre volonté, » c’était l’ennemi qui commençait déjà à nous imposer la sienne…

D’abord je constatai que dès quatre heures du matin, à la suite de renseignements reçus dans la nuit, lui apprenant que les Allemands n’étaient pas aussi avancés qu’il le croyait, le général de Maud’huy avait modifié son ordre de la veille au sujet du rassemblement du 10e corps d’armée qu’il avait reporté plus au Sud, de Ficheux à Mercatel et lui avait précisé une direction d’attaque : Mory-Beugnatre, face au Sud-Est.

Le général de Maud’huy craignait en attaquant trop vers le Nord de gêner ses propres troupes marchant d’Arras vers le