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— Regardez bien maintenant.

Une rafale générale de 75 tirée par les batteries que j’avais vues tout à l’heure alignées dans la plaine de part et d’autre de la route s’abattit sur la crête. Dans un nuage d’éclatements les casques à pointes sautèrent, se dispersèrent, disparurent. Et, l’arme au bras, les compagnies de renfort se mirent en marche et escaladèrent à nouveau sous nos yeux la crête de la Chapelle entièrement reconquise. C’était une manœuvre magnifique !

— Lieutenant, allez dire maintenant au général de Maud’huy, comment nous exécutons son ordre.

Je n’en demandai pas davantage et je repris mon auto, direction Arras.

En arrivant devant Beaurains je vis des maisons et des meules qui brûlaient. Un obus venait d’entrer dans la maisonnette aux contrevents verts qui nous servait de Central téléphonique. On démontait l’antenne de T.S.F. Le poste de commandement avait disparu !

— Où est le général de Maud’huy ?

— Un peu plus loin, là dans le fossé du chemin de la cote 107, derrière la grange qui brûle…

Il devait être 14 heures. Je me rappelle que je trouvai le général de Maud’huy assis dans le fossé à côté du lieutenant-colonel des Vallières en train de rédiger un ordre pour presser le mouvement vers le Nord-Est du 10e corps. (C’était le troisième ordre à ce sujet qu’on envoyait au 10e corps d’armée depuis midi.)

Je fis mon rapport qui fut écoulé avec joie et j’appris que l’ennemi venait d’attaquer Neuville-Vitasse où en toute haie le général de Maud’huy avait jeté un bataillon de sa réserve générale et d’où nous venaient les coups de canon qui tombaient autour de notre poste de commandement.

Ce n’était pas un poste de commandement banal, que ce poste de commandement d’armée installé en plein champ de bataille, à 3 kilomètres des villages attaqués, dans un fossé, entre les batteries en action et la chaîne de tirailleurs, parmi les incendies allumés par les obus ennemis, sans communications téléphoniques, et d’où rayonnaient seulement de quart d’heure en quart d’heure les autos des quelques officiers d’état-major qui avaient eu, comme moi, la chance de rejoindre à temps.