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telles des mitrailleuses, leurs appareils vers la porte d’entrée. Quelques dames, les filles du propriétaire de la villa, avec leurs invités. On se croirait à une garden party.

M. Millerand et ses collaborateurs, MM. Francois-Marsal, Le Troquer, Philippe Berthelot, arrivent les premiers en automobile. Puis c’est le tour des autres délégations, les Belges, les Italiens, en dernier lieu les Anglais, M. Lloyd George et Lord Curzon.

Voici enfin les Allemands. Le chancelier Fehrenbach descend le premier. Il a une assez belle tête de père noble, grand, large d’épaules, de corpulence un peu forte, d’aspect bon enfant, n’ayant rien de la raideur, de l’arrogance prussienne. Fehrenbach d’ailleurs est Badois. Vient ensuite Simons, le ministre des Affaires Étrangères, la forte tête de la délégation, aussi différent de lui que possible, très prussien d’apparence, sec et mince, le visage émacié, la physionomie intelligente, le teint mat, le regard dur. Fehrenbach a l’air relativement à son aise. Simons, lui, est visiblement impressionné, contracté. Il est pâle, presque blême. Il fait effort pour se dominer, pour paraître impassible. Cette tension nerveuse lui donne un peu l’aspect et la démarche d’un automate.

Cette première réunion dure assez peu. M. Delacroix, premier ministre belge, qui la préside, donne aux Allemands connaissance du programme comportant en premier lieu la question du désarmement. Le chancelier fait un discours et Simons un autre. Mais, en l’absence de leurs experts militaires, le général von Seckt et le ministre de la guerre, ils se déclarent hors d’état de discuter en détail le désarmement. Or, ces personnages, bien qu’ils aient été appelés en toute hâte, ne peuvent arriver que le lendemain après-midi.

« Qu’à cela ne tienne, répondent les Alliés. Nous les attendrons. » Et là-dessus la séance est levée.

Pourquoi les experts germaniques ne sont-ils pas là ? Est-ce par suite d’un malentendu ? Est-ce plutôt une manœuvre, d’ailleurs assez grossière, des Allemands, désireux de rejeter à la fin la question du désarmement qui les gêne ?

Je vais, tout de suite après la réunion, voir M. Millerand au Neubois. C’est à quelques minutes d’ici, par un délicieux chemin montant légèrement à travers le parc. La villa, dans le style d’un cottage anglais, est charmante ; elle commande une