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Pareil spectacle le dégoûterait à tout jamais de son Empereur.

Les souvenirs de l’occupation allemande, du séjour du Kaiser, d’Hindenburg, de Ludendorff, du grand quartier général pullulent à Spa. C’est à l’Hôtel Britannique, où se trouve actuellement la délégation anglaise, que Guillaume II a signé son abdication. Des récits détaillés, des monographies, des souvenirs et des anecdotes, bref toute une littérature est en train de se constituer sur ce sujet.

Nous allons voir le chancelier Fehrenbach dans la villa qu’il occupe sur la colline Annette et Lubin ; une villa toute simple et des plus modestes, si on la compare à celle de M. Millerand ou du comte Sforza. Elle est par surcroît très sommairement meublée, par la faute des généraux allemands qui, l’ayant occupée durant la guerre, déménagèrent, selon leur habitude, une partie du mobilier. Si Fehrenbach et Simons n’ont pas tout ce qu’il leur faut, ils savent ainsi à qui s’en prendre. Le chancelier, d’une belle voix creuse, la voix d’un orateur accoutumé aux réunions publiques, nous fait un certain nombre de déclarations ni très intéressantes ni surtout très neuves. « L’Allemagne, dit-il, est prête à exécuter loyalement le traité. Mais est-ce sa faute si certaines de ses clauses sont inexécutables ? » Là-dessus long développement sur les thèmes bien connus : la misère, l’insuffisance de la nourriture, le chômage, la possibilité des troubles, le manque de matières premières, etc. etc.

À mesure que la Conférence se prolonge, le rôle de Fehrenbach devient de plus en plus insignifiant. Politicien de métier, bon avocat d’assises, capable, avec du trémolo dans la voix, d’impressionner un jury de province (sa grande spécialité est, parait-il, de faire acquitter les incendiaires), il est visiblement débordé, dépassé, par les difficiles questions qui se discutent ici. Aussi prend-il de moins en moins la parole C’est Simons qui de plus en plus fait figure de chef.

Celui-ci est vraiment quelqu’un. J’ai avec lui un intéressant entretien le lendemain du jour où Hugo Stinnes, un des magnats de l’industrie teutonique, roi du charbon, et maître de soixante journaux, avait tenu les propos agressifs, voire insolents que l’on sait, mettant, volontairement, si l’on peut dire, les pieds dans le plat.

Ancien fonctionnaire de la Wilhelmstrasse, Simons a, ces derniers temps, quitté la diplomatie pour entrer dans les grandes