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unanimes, les plus justes félicitations, a lumineusement exposé, dans son travail écrit et dans ses explications verbales, la grave situation à laquelle nous avons à faire face, afin de revenir, suivant son expression, à des finances de paix. Vivre d’emprunts onéreux, a-t-il dit, dépenser sans comptabilité et sans contrôle, gaspiller avec insouciance des ressources dont on pourrait faire un usage profitable au pays, ce sont choses qu’une guerre de quatre ans a malheureusement fait entrer dans les pratiques quotidiennes, qu’elle a pu jusqu’à un certain point rendre excusables, mais qui ne sauraient se perpétuer. M. Doumer s’est défendu d’être pessimiste et il a fortement montré toutes les raisons que nous avons d’avoir dans les destinées de la France une foi inébranlable. Mais il a pris soin d’ajouter que, si nous avons la ferme volonté de hâter la reconstitution nationale, nous devons commencer par ouvrir les yeux aux réalités; et les réalités ne sont pas très joyeuses.

En 1914, au moment où l’Allemagne a jeté l’Autriche sur la Serbie, l’état économique de la France était des plus satisfaisants. Le crédit de l’État était indiscutable et indiscuté ! Celui de la Banque de France n’était pas moins solide. Au-delà comme en deçà de nos frontières, les billets qu’émettait cet établissement avaient la même valeur que l’or. Notre dette publique, bien que fort accrue depuis 1870 par les lourdes dépenses de la paix armée, ne dépassait pas une trentaine de milliards; elle demeurait, en somme, proportionnée à la fortune publique et, lorsqu’à la veille de la guerre les arrérages de cette dette, joints aux dépenses administratives et militaires, avaient porté le budget annuel au-dessus de cinq milliards, ce chiffre nous avait, sans doute, paru excessif, et nous avions tous exprimé le vœu qu’on s’empressât de le réduire, mais personne n’avait éprouvé, sur le sort de nos finances, de sérieuses appréhensions.

À ce tableau d’hier, le rapporteur général a opposé la sombre peinture de nos charges actuelles. Notre dette publique, intérieure et extérieure, perpétuelle ou à terme, consolidée ou flottante, y compris les avances des Banques de France et d’Algérie, s’élève à 233 milliards 729 millions. Encore, dans ce chiffre effroyable, le montant de la dette extérieure est-il calculé au pair. Si nous étions obligés de rembourser nos créanciers étrangers, avant que la valeur du franc se fût relevée, et s’il fallait nous procurer du dollar, de la livre, du franc suisse ou espagnol au cours, par exemple, du 15 juillet, notre dette extérieure, qui est de 34 milliards 296 millions, s’en trouverait à peu près doublée.