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signé, félicitons-nous en. Mais les funestes théories de M. Keynes se sont de plus en plus substituées, dans les entrevues des Alliés, aux stipulations du traité et à l’idée maîtresse d’une créance rigoureusement égale au montant des dommages. S’il arrivait que, sur un chiffre qu’auraient déjà scandaleusement réduit les accords entre Alliés, les Allemands fussent appelés à présenter leurs observations et qu’on transigeât encore avec eux, ce serait pour le pays une telle déception qu’il ne la pardonnerait à personne. C’est ce qu’a merveilleusement montré M. Ribot au cours de la discussion du budget. Jamais l’éloquence de l’illustre parlementaire n’a été mieux inspirée. C’était un émouvant spectacle que de voir, à la fin d’une longue séance caniculaire, ce beau vieillard de soixante-dix-huit ans, monter allègrement à la tribune, y redresser sa haute taille ordinairement un peu courbée et ramener dans toute l’assemblée, par sa seule présence, un silence respectueux. Sans une seule note sous la main, il commença de parler. D’une voix qu’on croirait un peu faible, si l’on ne savait qu’elle ne s’abaisse jamais que pour être mieux écoutée, et qu’elle met très adroitement en valeur les moindres nuances de la pensée, il s’expliqua sur tous les sujets d’inquiétude que nous ont apportés les événements de ces dernières semaines. Son discours fut un chef-d’œuvre de bon sens et de clarté, de finesse et de tact. L’orateur rendit à l’énergie et à l’opiniâtreté de M. Millerand un hommage mérité; il adressa quelques tendres reproches à la politique de M. Lloyd George ; et il analysa avec une douceur impitoyable la conduite de l’Entente en Orient, en Russie, en, Pologne et à Spa. Malgré la sévérité du jugement porté sur des décisions auxquelles la France avait été associée, M. Millerand a eu la bonne grâce de comprendre que les critiques de M. Ribot étaient, en réalité, dirigées contre d’autres que lui et il l’a remercié de son réquisitoire. Le Président du conseil peut, à la vérité, tirer, non seulement des observations qu’a présentées M. Ribot, mais de l’adhésion unanime qu’y a donnée le Sénat, la force nécessaire pour résister au courant dans lequel, depuis cinq mois, on essaie de l’entraîner et dont je n’ai pas cessé de montrer ici les dangers.

L’autre jour, M. Asquith déclarait au Parlement britannique : « Quelque forme de langage qu’on emploie, la Conférence de Spa a bien été, en fait, une Conférence pour la révision des conditions du traité. » Chut ! a répondu M. Lloyd George : « C’est là une déclaration très grave par l’effet qu’elle peut produire en France. Je ne puis la laisser passer sans la contredire, » Contradiction de pure