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république actuelle n’est pas une création, enfantée dans l’énergique effort et l’âpre douleur, encore moins une conviction, un idéal supérieur à l’intérêt national. Elle n’est que la conséquence fatale et passive de l’effondrement des dynasties. Un vide stupéfiant s’est produit ; une république falote l’a comblé. Mieux valait ce fantôme que le néant !

Voilà ce que, sans le dire aussi explicitement, avoue M. Hugo Preusz. À cette cause s’en ajoute une autre, d’ordre positif : l’agitation militariste, soutenue par les partis de droite, par le parti populaire, qui a remplacé les anciens nationaux-libéraux et par le parti national-allemand, qui s’est substitué aux conservateurs d’autrefois. On sait avec quelle énergie ces partis ont affirmé, de mai à septembre 1919, l’idéal pangermaniste. Fidèles au principe monarchiste, malgré leur scepticisme à l’égard d’une restauration possible, les nationaux allemands n’ont reculé devant aucun mensonge pour rejeter sur la démocratie et le socialisme toute la responsabilité de la catastrophe militaire. Le parti populaire, après avoir primitivement adhéré « à la république bourgeoise ; » est redevenu monarchiste et s’est rapproché des nationaux-allemands. À la fois distincts et étroitement unis, les deux partis de droite ont admirablement utilisé les fautes et les hésitations fatales d’un gouvernement débordé par les difficultés, acculé à toutes sortes de compromis, obligé de recourir, pour maintenir l’ordre, aux pires éléments réactionnaires et militaristes.

La faiblesse d’un régime fait la force de l’opposition. Cette vérité banale suffit à expliquer les événements de mars. La république allemande a été accueillie sans enthousiasme par ses partisans, sans résistance par ses adversaires. Cette indifférence générale avait sans doute sa raison d’être dans le sentiment de stupeur provoqué par une débâcle soudaine. Mais elle ne pouvait durer. Seulement, l’ardeur républicaine n’est pas née et le nouveau régime a dû se contenter d’une politique moyenne qui ne pouvait lui donner ni hardiesse, ni prestige. Au contraire, la réaction a pu rapidement constituer la résistance, entreprendre une énergique propagande et provoquer des espérances qu’encourageait le spectacle des erreurs commises par le gouvernement officiel. Si bien que des médiocres comme Kapp et Luttwitz secrètement appuyés par des chefs politiques et des chefs militaires dépourvus de sens psychologique, ont pu croire l’heure