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démembrement. De là les inquiétudes et de la droite et des socialistes. En face du redoutable problème, la coalition était divisée. Le socialisme majoritaire, à l’encontre du Centre, protestait contre le démembrement de la Prusse. Il prétendait que la Constitution de Weimar avait à jamais détruit l’hégémonie prussienne ! Les démocrates et le Centre demandaient : 1° que la Prusse fût divisée en territoires autonomes avant que l’on procédât à une réorganisation du Reich ; 2° que, dans le Reich ainsi unifié, le pouvoir central, si fort fût-il, laissât aux États et aux communes une autonomie administrative considérable. Pas d’unité, ou l’unité avec la République rhénane, tel semblait être le dilemme. A la veille du coup d’état, on s’acheminait doucement vers une solution transactionnelle, vers la décentralisation administrative de la Prusse elle-même. Mais comment opérer cette décentralisation sans mécontenter la droite ou les particularistes ? Voulait-on préparer ou prévenir, au contraire, le démembrement ? Insoluble question !

Le problème financier était étroitement lié au précédent. Ici encore, deux graves dilemmes. Fallait-il, pour réaliser la centralisation financière, porter atteinte à l’autonomie des États et des communes ? Voulait-on frapper la classe prolétarienne en diminuant salaires et traitements, ou imposer durement les classes possédantes en portant les impôts directs à leur extrême limite ? La coalition se déclarait pour Erzberger, pour la centralisation et les impôts directs. Mais que de ressentiments ne provoquait-elle pas à droite et à gauche ! En outre, elle était elle-même divisée. Lorsque, vers la fin de décembre, toute la presse se mit à commenter l’impôt sur le capital (Reichsnotopfer) et l’échec de l’emprunt, on vit les démocrates se scinder en deux camps, la Frankfurter Zeitung soutenir Erzberger et le Berliner Tageblatt l’attaquer brutalement, aux applaudissements de la droite. De son côté, la Vossische Zeitung accusait le gouvernement de bâtir sur le sable, de détruire la production agricole, de laisser l’Allemagne acheter les produits étrangers à des prix fantastiques, de ne pas établir sa réforme financière sur une base économique solide.

La loi sur les Conseils d’entreprise exposait la coalition aux mêmes difficultés. Le futur conseil devait être une sorte de compromis entre la dictature du prolétariat organisé et l’ancienne législation sociale. La gauche et la droite poussaient les