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comment finit la guerre.

le fait d’avoir écarté la proposition de constituer à son service une force armée internationale lui enlève beaucoup de son efficacité. On peut se demander si l’existence de ce pacte en 1914 aurait empêché la guerre mondiale d’éclater, et si les Puissances neutres qui ont maintenant adhéré au pacte seraient effectivement entrées en lutte contre l’Allemagne. Cette conception est bien dans les traditions françaises. Sully nous a exposé le « Grand Dessein » d’Henri IV, l’abbé de Saint-Pierre et tous les philosophes du XVIIIe siècle ont rêvé d’une Société des Nations. Assagi par l’expérience du malheur, Napoléon a dit dans le Mémorial de Sainte-Hélène :

« Une de mes plus grandes pensées avait été l’agglomération, la concentration des mêmes peuples géographiques qu’ont dissous, morcelés les révolutions et la politique. J’eusse voulu faire de chacun de ces peuples un seul et même corps de nation… Le pouvoir souverain qui, au milieu de la grande mêlée, embrassera de bonne foi la cause des peuples, se trouvera à la tête de toute l’Europe et pourra tenter tout ce qu’il voudra… C’est avec un tel cortège qu’il serait beau de s’avancer dans la postérité, d’aller au-devant de la bénédiction des siècles. Après cette simplification sommaire, il ne serait plus chimérique d’espérer l’unité des codes, celle des principes, des opinions, des vues, des intérêts. Alors, peut-être, à la faveur des lumières universellement répandues, deviendrait-il permis de rêver, pour la grande famille européenne, l’application du Congrès américain ou celle des Amphictyons de la Grèce ; et quelles perspectives alors de force, de grandeur, de jouissance, de prospérité, quel magnifique spectacle ! »

La France ne pouvait donc pas repousser la garantie supplémentaire que le gouvernement anglais acceptait et sur laquelle le gouvernement des États-Unis insistait beaucoup. Mais il semble bien qu’aux yeux du Sénat américain, l’obligation d’intervenir dans les affaires européennes à la réquisition d’un conseil étranger reste un des principaux obstacles à la ratification du traité. Évidemment, même sans l’assentiment de l’Amérique, le pacte reste entier ; mais son efficacité est bien douteuse.

Dans l’ensemble, par le traité du 28 juin 1919, les buts de guerre des Alliés ont été atteints, tels qu’ils avaient été définis par leurs gouvernements. Néanmoins, la déclaration faite par