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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




On sait qu’aux termes de la loi constitutionnelle des 16-18 juillet 1875, qui fixe les rapports des pouvoirs publics, les deux Chambres doivent être réunies en session cinq, mois au moins chaque année. Les cinq mois remplis, le Président de la République (entendez le Président de la République ès nom, ès qualités, c’est-à-dire, au vrai, le cabinet responsable ; est théoriquement maître de renvoyer le Parlement pendant sept mois. Un décret prononce la clôture de la session et, si un autre décret n’intervient pas ensuite pour convoquer extraordinairement les deux assemblées, elles demeurent en vacances forcées. La Constitution ne prévoit qu’un cas où elles aient le droit d’imposer au gouvernement leur rappel : c’est celui où la majorité absolue des membres composant chaque Chambre s’entendrait pour réclamer une réunion exceptionnelle ; mais comme, d’autre part, toute assemblée d’une des deux Chambres est « illicite et nulle, » lorsqu’elle est tenue « hors du temps de la session commune, » on ne voit pas très bien comment la majorité indispensable à cette initiative pourrait réussir à se former. Il était donc certainement dans l’esprit de la Constitution que la représentation nationale ne siégeât pas en permanence et que les ministres eussent quelques loisirs pour gouverner. Mais les droits du pouvoir exécutif ont été peu à peu rongés par le flux parlementaire, et l’habitude de ne jamais commencer la discussion du budgetdans les cinq mois de session normale a constamment rendu nécessaire la rentrée d’automne. Le gouvernement ne pouvant se passer ni des crédits ni des impôts, et les Chambres ayant toute faculté pour les lui accorder à la date qui leur plait, c’est, en réalité, le Parlement qui a transformé les sessions extraordinaires en sessions ordinaires et fait de ce qui devait demeurer une exception un usage obligatoire. Que cette [1]

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1920.