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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/161

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« Tiens, regarde ta petite Florentine ! »

Chers grands parents, et cher costume ! Vous, si vivants, je vous ai perdus pour toujours ; toi, petit déguisement inerte, j’e t’ai conservé ; je te regarde de temps en temps, dans le carton où tu te reposes de tes petites grandeurs passées ; je te secoue pour que les mites ne te mangent pas et ne détruisent pas les chers souvenirs qui se mêlent à la poussière de tes plis, et aux effilochures de tes soies ; je revois l’aiguillée soyeuse que tirait bonne maman, en brodant les fleurs de ton tablier, sans les dessiner, selon la fantaisie de son inspiration, — et aussi le soin avec lequel elle bordait d’un minuscule ruban rouge les œillets de ton corselet de velours ; précieux petit costume, tu me rappelles l’incomparable bonne maman tout entière : fantaisiste et soigneuse, ménagère et artiste ; pas toujours en même temps, mais sachant relever sa sagesse et son ordre par quelque chose de pimenté, de même qu’elle salait et poivrait à ravir les sauces succulentes et les plats fins dont elle régalait bon papa.


IX. — VISITES.

A quatre ans, je déclarai cyniquement à mes parents : « Oh ! si vous veniez à mourir, il n’y aurait pas grand’chose de changé ; je garderais les deux bonnes, je recevrais le dimanche et je donnerais, comme vous, des dîners de temps en temps ! »

Ces diners, comme la salle à manger était petite et les moyens restreints, ne dépassaient pas dix ou douze personnes. Maman m’emmenait retenir Hélène, fine cuisinière, qui, moyennant 10 francs, venait faire le diner. Le reste du temps, elle était concierge, au bout de la rue de Passy, dans une maison où Louis XVI avait eu son cabinet de physique, et où de grands tilleuls, dans la cour, se souvenaient de cette époque.

Le soir du dîner, on me mettait à une petite table dans un coin ; je mangeais comme quatre ; il arrivait qu’une grande personne se retournât pour me dire quelque chose de gentil, et je ne répondais pas, de peur de perdre une bouchée.

Quelquefois, après le dîner, on chantait ; un soir, une dame chanta des œuvres de son mari ; au troisième morceau, bon papa dit : « Comment, c’est encore du X… ! » Le ménage prit un air pincé. Quand on fut parti, maman et bonne maman reprirent sévèrement bon papa : « On n’est pas gaffeur comme toi ! » Mais