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La haine de la Prusse, si profondément enracinée dans les cœurs, s’est traduite depuis 1871 au cours de nombreux débats parlementaires. Elle se manifeste également dans les indignations, les rancunes, les attaques de l’opinion. Elle n’a pas seulement son origine dans les humiliations subies par la Bavière, ni dans la défaite de 1866. Elle résulte de l’opposition fondamentale de deux tempéraments nationaux complètement différents, d’une incompatibilité d’humeur que rien ne peut réduire. Mais elle est la cause de la relative indulgence que rencontre l’Autriche dans le royaume. Les critiques adressées à cette puissance sont aussi rares que sont fréquentes celles qui vont à la Prusse. Il n’y a pour s’en convaincre qu’à feuilleter la collection du libéral Simplicissimus, et, d’un autre côté, les catholiques la ménagent parce qu’elle forme un boulevard contre le protestantisme.

Pendant toute la durée de l’Empire, la double monarchie des Habsbourg n’est pas considérée comme une ennemie, bien que le royaume cherche à s’approprier, dès la première occasion, certains des territoires qu’elle possède. Et cependant, si l’on va au fond des choses, les sentiments sont tout autres que tendres. « Lieber bayrisch sterben als œsterreichisch verderben : Plutôt mourir Bavarois que de pourrir sous l’Autriche, » dit un proverbe que connaissent tous les sujets des Wittelsbach. On n’a pas oublié dans le peuple les souffrances endurées pendant le XVIIIe siècle. On sait que seule la crainte de Frédéric II a empêché Marie-Thérèse d’annexer la Bavière pour se dédommager d’avoir perdu la Silésie. Sous Napoléon, c’est contre l’Autriche qu’on s’est battu ; c’est elle que l’on a dépouillée sans le moindre remords, et même avec une joie que l’on n’a pas dissimulée.

Plus tard, sous les règnes de Louis Ier et de Maximilien II, sa politique a fait l’objet des pires malédictions. On s’est plaint qu’elle n’obéissait qu’à ses intérêts particuliers et qu’elle trahissait ceux du royaume. Von der Pfordten l’a jugée capable des crimes les plus noirs, et, en 1866, les deux alliés se sont rejeté l’un sur l’autre la responsabilité de la défaite. Cependant l’on s’est battu ensemble, dans un côte à côte fraternel, et depuis l’on n’a rien regretté. Les plus récents historiens