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soient aussi complets que possible, les cadres reconstituées par des promotions et le moral de tous à la hauteur des nouvelles tâches pour la prochaine reprise du mouvement en avant qui nous donnera le succès définitif.

En même temps qu’il organisait sa ligne, le général Joffre transformait le commandement. Parlant de la bataille des Frontières, il a écrit :

L’offensive prévue ne réussit pas ; ce n’est cependant pas la supériorité du nombre qui nous écrasa. Les diverses mesures qui avaient été prises et qui ont été résumées plus haut nous avaient en effet permis d’engager la bataille, non seulement avec une sensible égalité numérique dans l’ensemble avec les forces allemandes (83 divisions d’infanterie et 18 divisions de cavalerie du côté allemand, 83 divisions d’infanterie et 18 divisions de cavalerie du côté allié), mais avec la même répartition des forces du côté allié et du côté allemand, savoir un tiers entre le Rhin et la ligne Verdun-Metz, deux tiers au nord de la ligne Verdun-Metz…

… Un des principaux motifs de l’échec de l’offensive fut que notre instrument de combat n’eut pas le rendement qu’on était en droit d’en attendre. Dans ces conditions, le commandant en chef a considéré comme un devoir absolu de relever de leur commandement les chefs à qui incombait la responsabilité de cette défaillance. Ce devoir était tout particulièrement dur à remplir, car plusieurs de ceux qui furent l’objet d’une telle mesure s’étaient fait remarquer en temps de paix par des qualités souvent brillantes. Mais, à la guerre, l’intelligence et l’esprit d’organisation ne suffisent pas ; il faut en outre au chef un moral particulièrement élevé et une maitrise absolue de soi-même qui lui permettent n’imposer, par ses qualités mêmes, son calme à ses subordonnés au milieu de la bataille.

Le salut du pays était en jeu. Ce qui importait, c’était non pas la vaine satisfaction d’infliger des sanctions, mais bien la nécessité urgente de prévenir le retour de défaillances si préjudiciable es au bien public. Les événements ultérieurs ont prouvé que le but cherché avait été atteint ; en face d’un tel résultat, l’amertume et le ressentiment ne comptent guère…

En définitive, la bataille de la Marne avait été engagée d’après la même formule, d’après la même conception et presque d’après le même dessin que la bataille des Frontières. Pourquoi la seconde a-t-elle été gagnée et la première perdue ? Parce que, en raison des dispositions prises par le général en chef et par l’action de sa volonté personnelle à la Marne, en aucun point