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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/331

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Certes, cette étrange nature
Déconcerte un peu les regards.
Des genêts, pour toute culture ;
Pour toute maison, des hangars.
On devine, aux troncs qui les longent,
L’entrelacement des canaux.
Au-dessus, les vols de vanneaux,
Interminablement, s’allongent.

Les barrières, aux longs verrous.
D’un double trait coupent la brousse ;
A peine, dans cette herbe rousse,
Distingue-t-on les troupeaux roux.
Ils errent, beuglant aux étables,
Pleins d’ennui, les fanons traînants…
— Il est des lieux moins lamentables :
Je n’en sais pas de plus prenants.

L’hiver, dans la lande noyée,
Quand les larges fossés sont pleins,
Les barques, voile déployée,
Vont porter les sacs aux moulins ;
Elles semblent surgir du chaume
Et les gens qui rentrent au soir.
S’ils les rencontrent, pensent voir
S’avancer le vaisseau-fantôme.

Puis, l’eau découvre les bouquets
Que font la mauve et la moutarde ;
L’air tiédit ; la dernière outarde,
Un matin, quitte ses piquets ;
Sur la route, une fièvre règne ;
L’on voit sortir les javeleurs ;
Tout sourit ; le marais s’imprègne
De l’odeur des fèves en fleurs.

Un étourneau boit dans l’ornière ;
Les poulains, au bord des fossés,
Dressés, le vent dans la crinière,
Hennissent lorsque vous passer.