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drapé de blanc, couronné de laurier et tenant le rameau d’or, qui est peut-être Pythagore et peut-être Virgile, près d’un personnage maigre au noir profil de proie, manteau bleu, chaperon écarlate, que l’on a pris parfois pour Dante ; en face, les apôtres blancs au nombre de quatorze, puis les pontifes, les évêques, le diacre saint Etienne portant ses pierres dans un pli de sa dalmatique, le diacre saint Liévin reconnaissante à la tenaille où pend sa langue sanglante, et les cardinaux, les docteurs, les moines, les prélats, — les deux moitiés du temps, les deux Testaments, les deux Églises se faisant vis-à-vis et marchant gravement à la rencontre l’une de l’autre ; ailleurs, débouchant des lointains dans un ordre semblable par des vallons paisibles, entre des haies de fleurs formant coulisse, la milice des martyrs et le peuple des vierges, habillées de bleu pale, portant des palmes et des couronnes, sainte Catherine et sainte Agnès, sainte Barbe avec sa tour, sainte Dorothée avec ses roses, foulant légèrement les gazons et les mousses, comme deux cortèges sacrés qui viendraient des deux bords du cadre mêler leurs ilots et leurs cantiques.

Tout cela est superbe, incomparable de paix, de noblesse, de rythme, avec ce grand sentiment de l’ordre et des catégories qu’a eu le moyen âge, et cela vaut d’ailleurs, comme répertoire de types et d’expressions vivantes, ce qu’il y a de plus célèbre dans la peinture de portraits. Mais où éclate le mieux l’esprit de ce grand siècle, c’est aux deux ailes de cette frise admirable et dans les quatre morceaux revenus d’Allemagne.

Là défile devant des « portants » formés par des rochers la plus magnifique cavalcade qu’on ait vue en peinture avant celles que déroulèrent Benozzo Gozzoli sur les murs de la chapelle des Médicis et Pintoricchio à la Libreria de la cathédrale de Sienne : les princes et les guerriers, les trois saints militaires, Georges, Victor et Sébastien, manches vertes tailladées, avec la cuirasse et l’écu convexe en forme de soc, le preux Arthur, le preux Godefroy de Bouillon, remarquable par la mule qu’il voulut chevaucher à l’exemple de Jésus, et le preux Charlemagne ; et d’autres encore, héros du temps jadis comme dans la ballade de Villon, avant-garde sacrée dans laquelle on a cru reconnaître saint Louis, et puis le peloton des héros du présent, les puissants de ce monde, les seigneurs et les chefs, les têtes couronnées, les rois et loi ducs qui valent des rois, l’hermine des palatins et le