Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/415

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

conservateurs, qui obtenaient 19,39 pour 100 des suffrages, faisaient passer 143 députés ; les socialistes, au contraire, avec 18,79 pour 100 des voix exprimées, n’en avaient pas un seul.

En 1910, il fut question d’une petite réforme qui ferait entrer un peu plus d’électeurs dans la première et la seconde classe. Les Münchener neueste Nachrichten, journal généralement inféodé à Berlin, poussèrent un cri d’alarme. C’était là, une affaire sérieuse qui intéressait tout le Sud, puisque la Prusse occupait la première place dans la Confédération. Les modifications devaient être radicales, et l’on ne pouvait se contenter de retouches insignifiantes. Fallait-il croire que le peuple prussien n’avait aucune maturité politique, ou bien dans quel dessein le ministre Bethmann-Hollweg se livrait-il à des plaisanteries aussi misérables ? Pour manifester leur indignation, les socialistes munichois, le 15 février, organisèrent une grande réunion publique au Kindlkeller, puis, au nombre de 800 à 1 000, ils se rendirent devant la légation de Prusse, acclamant le suffrage universel secret et égal pour tous, conspuant vigoureusement la monarchie réactionnaire des Hohenzollern qui méprisait les droits du peuple.

Mais la Prusse, qui restreignait chez elle les libertés publiques, tentait aussi d’en priver l’Empire. Et en effet, au cours de l’année 1904, les conservateurs Zedlitz et Arendt, par une campagne menée dans la Post et le Tag, tentèrent de prouver que le Reichstag n’accomplissait aucun travail de bon aloi. Pour remédier à cette situation, ils proposaient que ses députes fussent désormais élus selon le système prussien des trois classes. Là-dessus, cris à Munich, et fureur bien compréhensible. Au fond, ce que détestait par-dessus toutes choses la monarchie des Hohenzollern, c’était le parlementarisme, et les Bavarois l’avaient discerné de bonne heure. Elle ne pouvait, remarquaient-ils, supporter qu’une pseudo-représentation populaire derrière laquelle elle dissimulait son absolutisme foncier. Puissance maîtresse dans l’Empire, elle le gouvernait par des méthodes autoritaires, elle lui imposait sa volonté avec une hauteur implacable, elle brisait les résistances des députés par des dissolutions successives, elle ne connaissait ni majorité ni ministère responsable, elle violait enfin ses promesses les plus sacrées et s’efforçait sournoisement de transformer la Confédération en un État unitaire. La politique de Bismarck, à elle,