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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La mort de Son Éminence le Cardinal Amette est un deuil pour la France. Comme l’a dit avec raison M. Maurice Barrès, le vénérable archevêque de Paris fut, en 1914, l’un des plus actifs promoteurs de l’union sacrée et, pendant toute la guerre, il en demeura le gardien vigilant. Pas une minute, il ne lui vint à l’esprit de demander ou d’attendre, en retour de la collaboration qu’il offrait à l’État, des avantages pour un parti politique, ni même des satisfactions quelconques dans le domaine de la religion. Ce qu’il donnait à la patrie, il le lui apportait gratuitement, sans arrière-pensée, sans calcul, sans condition. Ce grand prélat était un grand Français.

Dans les œuvres, telles que le Secours national, où il se rencontrait avec les représentants des autres cultes et avec des hommes de toutes opinions, il faisait preuve du libéralisme le plus éclairé. Notre peuple a eu cette heureuse fortune que, le jour où sa vie fut en danger, un cardinal, un grand rabbin, un pasteur, un secrétaire de la Confédération générale du travail, des sénateurs, des députés, des savants, des ingénieurs, des financiers, des ouvriers, ont pu se réunir et associer leurs efforts, sans qu’aucun souvenir des luttes passées, aucune différence de sentiments, aucune opposition d’intérêts, vinssent refroidir leur zèle et troubler l’harmonie de leur action. Heure tragique, où personne ne savait ce qu’allait devenir la France. Heure bénie, où tous les Français se sont retrouvés, reconnus et aimés.

J’ai eu plusieurs fois, pendant le cours des hostilités, l’occasion de voir le cardinal Amette. Je n’ai jamais entendu parler de la France en termes plus élevés. Il était impossible de ne pas être immédiatement en pleine communion d’esprit avec lui. En toute circonstance,[1]

  1. Copyright by Raymond Poincaré, 1920.