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n’est pas si mal que cela. Si l’on pouvait en faire autant pour notre ville neuve, il faudrait se tenir pour satisfait. Ainsi, les Thermes d’Antonin, cette informe ruine qui obstrue le sol au bas de la colline de Bordj-Djedid, pourraient redevenir un édifice d’utilité publique. Ils offriraient à la fois des bains chauds et des bains froids, des bains de mer pour les Tunisiens, pendant l’été, — des bains d’étuves pour les étrangers qui viendraient hiverner à Carthage. Un portique avec une galerie supérieure à colonnade, s’ouvrirait directement sur la plage. L’autre façade reproduirait, avec une entière liberté d’interprétation, les superpositions architecturales des principales « nymphées » africaines. Ce serait une image de l’antique septizonium carthaginois, celui que Septime Sévère, l’empereur africain, fit imiter pour son palais de Rome. En s’aidant enfin des descriptions que les auteurs anciens nous ont laissées de leurs thermes et surtout des nombreuses découvertes archéologiques faites en Algérie, on réussirait certainement à mettre debout un édifice qui serait une libre reconstitution de l’antique et qui, en même temps, servirait toujours à quelque chose, qui serait tout ensemble un établissement de bains, un gymnase, une salle de jeu et de conversation, un promenoir et un musée. Ce serait une curiosité comme on n’en verrait que là et qui attirerait les visiteurs.

Qu’on se livre à ces fantaisies de reconstitution dans des pays ou dans des lieux où des édifices de ce genre n’ont jamais existé, cela deviendrait évidemment déraisonnable. Mais ici, rien de plus naturel. Ce qui doit dominer, en tout cas, les préoccupations des actuels rebâtisseurs de Carthage, c’est le souci d’élever une ville moderne qui ne forme pas un contraste trop déplaisant, trop criard, avec les ruines de la ville ancienne.


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Celle-ci, va-t-on décidément la sortir de terre ?

Il y a des personnes qui n’en doutent point. Parmi ces hommes de foi, le plus convaincu est assurément le docteur Carton, qui, dans son amour pour Carthage, est venu vivre auprès d’elle, qui, depuis des années, se penche sur ses ruines, essayant çà et là, d’en soulever le linceul. Avec celui du cardinal Lavigerie et du Père Delattre, son nom est d’ores et déjà inséparable de celui de Carthage, Venu en Tunisie comme