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Page:Revue des Deux Mondes - 1920 - tome 59.djvu/70

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jardinières, — et, çà et là, dans l’angle des murs, autour des bassins taris, on planterait un arbre au beau feuillage méditerranéen, pour voiler un peu la nudité de la pierre.

Enfin et surtout, — si l’on ne peut guère rapporter dans les ruines le mobilier déménagé et mis sous clef dans les musées, il est à souhaiter qu’on en replace au moins les reproductions convenablement exécutées. Partout, des inscriptions, des vases, des mosaïques et des statues ! C’est la meilleure façon de ranimer la ruine. On frémit quand on pense que tout ce qui parlait aux yeux, à l’esprit et au cœur, au milieu de ces débris antiques, — que tout cela a été arraché, transporté on ne sait où, est devenu insignifiant, incolore et quelconque dans une salle obscure ou banale comme une salle de classe, ou dans un locatis ouvert à tous les vents. Que les milliers d’inscriptions qui gisent dans la poussière des musées soient moulées pieusement et que les moulages parlent de nouveau au fronton des temples et des arcs de triomphe ! Que les formes et les figures éclatantes des mosaïques fleurissent les murs des atriums et les pavés des cours ! Que le peuple mutilé des statues et des bas-reliefs reparaisse sur ses piédestaux, dans ses niches désertes, sur ses métopes ou sur ses architraves ! L’Hadrien, le Bacchus, le Jupiter. Sérapis, l’Isis, la Vénus au Dauphin du Bardo, ou tout au moins leurs copies, doivent revenir à Carthage. Les Victoires colossales, qui font pénitence dans le jardin des Pères blancs, devraient planer, du haut d’un socle à leur taille, aux lieux mêmes où elles furent découvertes, au sommet de Byrsa, devant le porche de la Basilique. Avec leurs vastes ailes déployées, ces hautes figures décoratives, dominant le seuil des ruines et la colline chantée par Virgile, formeraient un portail digne de Carthage et de ses grands souvenirs.


* * *

Mais, ici, les antiquités chrétiennes sont peut-être aussi nombreuses que les antiquités païennes. N’oublions pas, en elle ! , que la Carthage romaine compte au moins trois siècles de christianisme officiellement reconnu, — durant lesquels on a pu bâtir des édifices pour le culte, aménager des cimetières au grand jour, multiplier les couvents, les chapelles, les memoriæ consacrées aux martyrs du pays.

Aucune autre contrée du monde méditerranéen ne possède