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dossiers subsistent encore : celui-ci correspond avec les agents du Pape ; celui-là pousse aux rétractations de serment ; un troisième a annoncé avec affectation la fête de Saint Louis ; un quatrième officie dans un oratoire particulier en présence de trente personnes au moins. Ce n’est pas tout. Les desservants des paroisses sont réduits à ne noter qu’en cachette les baptêmes, les mariages, les décès. Quiconque relève un calvaire s’expose, si les autorités locales sont malveillantes, à être emprisonné. Les offrandes pour le culte, si elles se versent à des époques régulières, doivent se dissimuler ; autrement, on les considérerait comme des taxes ; et, à ce titre, elles seraient contraires à la loi. Au fronton des édifices sacrés, aucune inscription ; au dehors, nul cérémonial, pas même ces cortèges traditionnels qui jadis accompagnaient les morts jusqu’au lieu des sépultures. Aux regrets s’ajoutent les embarras. Parmi les prêtres, il y a les héroïques, mais il y a aussi les faibles, les intransigeants, les inconsidérés. Or, des évêques émigrés, n’arrivent que des instructions intermittentes, souvent accueillies avec défiance, tant elles portent la marque des jugements passionnés ou des illusions de l’exil. Cependant, l’un des principaux sujets d’anxiété dérive des serments. Depuis le serment à la constitution civile, le pouvoir séculier a entrepris trois fois de lier le clergé par des engagements. La loi du 26 août 1792 a imposé le serment liberté-égalité. La loi du 11 prairial an III a subordonné l’exercice public du culte à une promesse de fidélité. Enfin, la loi du 7 vendémiaire an IV a imaginé, une autre forme d’adhésion qui consistait tout ensemble en un hommage à la souveraineté du peuple et en une reconnaissance de la république. Ces actes de soumission sont-ils légitimes ? En France et à l’étranger, la question est discutée avec une ardeur passionnée, et à tel point qu’on peut craindre par intervalles que de petites Eglises ne se forment dans l’Eglise fidèle elle-même.

Il importait que l’esprit de charité tempérât ces querelles, que les disputes ne fussent pas déchirements, et surtout qu’on se gardât de toute intransigeance inopportune. À cette tâche plusieurs travaillèrent : tel surtout l’abbé Emery.

Il faut bien marquer la physionomie de ce prêtre ; car il fut en ce temps-là, le principal ouvrier de la Restauration chrétienne.

La Révolution l’avait trouvé supérieur général du séminaire et de la congrégation de Saint-Sulpice et tout paré de sagesse,