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léger, avec une telle sveltesse, une telle pureté de ligne, elle ne se tient debout que par miracle. Il serait urgent de consolider toutes les pierres branlantes et aussi de déblayer, d’ordonner un peu l’intérieur de l’enceinte, d’y remettre en place une foule d’accessoires. Il y a là les débris d’une basilique, dont la nef était surmontée de tribunes et le porche flanqué d’une tour. Tout cela pourrait être restauré au grand avantage de l’ensemble. Et je ne verrais pas d’inconvénient à ce que cette restauration fût poussée dans le plus petit détail, à condition toutefois que ce travail de réfection n’altérât point la physionomie si originale de la ruine, telle qu’elle se présente actuellement. Cette œuvre si curieuse, si pittoresque, du hasard et des siècles, doit être respectée dans ses grandes lignes. On aurait ainsi, à Haïdra, un type de forteresse byzantine comme il n’en existerait nulle part en Afrique. Celle de Tébessa, qui est plus vaste et dont les murailles sont merveilleusement intactes, englobe toute une petite ville moderne qui contraste de façon désagréable avec le style de la bâtisse. Ici l’intérieur et l’extérieur seraient en harmonie. On pourrait s’y faire une idée de ce que fut une citadelle byzantine de l’Afrique reconquise, à la veille des invasions arabes.

En outre, — et cela va sans dire, — il serait tout aussi intéressant de fouiller, autour de la citadelle, ce qui subsiste de la ville antique. On prétend que le théâtre est insignifiant. Mais peut-être que l’amphithéâtre ne l’est point. D’autres temples que ceux dont on voit les vestiges sont peut-être à découvrir, d’autres mausolées aussi. Et enfin, il conviendrait d’achever le dégagement de l’arc de triomphe, qui marquait, à l’Est, l’entrée de la ville. Suivant leur coutume économique d’utiliser les moindres débris de construction, les Byzantins l’avaient enjuponné dans un revêtement de pierres de taille, certainement arrachées aux ruines de la ville romaine, et ils l’avaient transformé en fortin. Aujourd’hui ce revêtement postiche n’est qu’à moitié démoli. Par la déchirure de la maçonnerie, on n’aperçoit qu’une des façades de l’élégant édifice, écrasé sous sa gangue de gros blocs quadrangulaires, comme un joyau enfermé dans une boite de bois blanc.

Parmi les éclats de pierres qui jonchent le sol aux alentours, je le considère de plus près. Il rappelle l’arc de Tébessa, la cité voisine, — celui qui est dédié à Caracalla et à Julia Domna, « la mère des camps. » De chaque côté du cintre, mêmes pilastres