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eux-mêmes que leurs petits chevaux attelés par de mauvaises cordés à des chariots d’avant le déluge.

L’œuvre à accomplir est immense ; mais les Polonais l’ont entreprise résolument. Faire de ces contrées volontairement retenues par les anciens dominateurs dans l’ignorance et presque dans la barbarie un pays moderne et civilisé ; créer des voies de communication, construire des villages, ouvrir des écoles, engager ou contraindre les propriétaires fonciers à améliorer progressivement le sort du paysan : ce n’est là qu’une partie de la tâche. L’autre consiste à organiser l’exploitation régulière des forêts et des étangs qui couvrent une notable partie du sol polonais, des richesses minérales que renferme le sous-sol ; à développer l’industrie et le commerce dans les villes, à assurer entre elles et les champs une meilleure répartition de la population et de la main-d’œuvre ; à régler enfin, selon les conditions spéciales et les intérêts particuliers du pays, transports, échanges, importations et exportations. Chacun de ces problèmes est tout ensemble économique, social et politique. La difficulté est que, dans un état nouvellement créé, ou nouvellement ressuscité, comme la Pologne, ils se posent tous à la fois et doivent être tous résolus sans retard. J’ai pu constater, pendant mon séjour à Varsovie, que les études techniques sont déjà fort avancées ; on m’a montré des projets soigneusement établis concernant les routes, les chemins de fer et les voies de navigation intérieure ; j’ai vu la Diète voter en un mois une série de lois établissant la journée de huit heures, réglant le travail des femmes et des enfants, créant pour les ouvriers des caisses de secours et des assurances contre l’invalidité et la vieillesse ; les ingénieurs polonais, si répandus à l’étranger et surtout en Russie, sont revenus en grand nombre dans leur patrie délivrée et ont fondé à Varsovie une association qui consacre tous ses efforts à la réorganisation de l’industrie nationale. De cette grande œuvre de restauration économique, je ne puis tracer ici un tableau complet ; j’en retiendrai quelques aspects, qui m’ont frappé davantage ; j’indiquerai les méthodes suivies, en me permettant parfois de les critiquer ; j’essaierai enfin de faire entrevoir au lecteur l’avenir magnifique d’un pays qui possède en abondance les matières premières et la main-d’œuvre, et à qui il suffira, pour atteindre une prospérité peu commune en Europe, de mettre en pleine valeur ses richesses naturelles.