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industrielles. Qu’on y prenne garde ! C’est au cœur même de la marine qu’on vient de toucher. Dans une conclusion que nous voulons retenir, M. Henry Bérenger a réclamé un programme technique où l’armement naval de la France soit réel, où l’administration maritime soit prévue en fonction des armements réels, et non pas les armements réels en prétexte de l’administration maritime. Il nous faut une marine agissante, c’est-à-dire une marine qui construise, une marine qui navigue, une marine qui manœuvre, et non une marine stagnante. Nous n’avons que faire d’arsenaux, d’ingénieurs, d’administrateurs ou de commis, si ce n’est pour les mettre, en proportion convenable, au service d’une flotte digne de porter notre pavillon.

Contemplez, en passant, l’élégante loggia du ministère de la Marine. Cette façade harmonieuse, qui domine la place de la Concorde, vous apparaîtra comme un symbole. Derrière les colonnes qui soutiennent l’édifice, derrière les salons décorés de cartouches précieux, se cache un dédale de couloirs et de bureaux poussiéreux. Ils suffisaient, il y a quelques années, à contenir les services de la marine militaire^ ceux de la marine marchande et de l’armée coloniale ; autrefois, ceux des colonies elles-mêmes. Aujourd’hui, on vient d’en détacher les pensions, et les locaux sont trop étroits pour satisfaire aux exigences de locataires sans cesse plus nombreux. Ce personnel émigre-t-il à la rue de Suffren, il est aussitôt remplacé par voie d’augmentation d’effectif. Il est urgent de revenir à une plus saine conception du rôle de la marine militaire. C’est sur mer et non sur les bords de la Seine qu’elle subit son expression dernière, là qu’on la juge, là qu’elle se justifie. Quel sera le nouveau Samson qui viendra secouer les colonnes du Temple, quitte à s’engloutir sous ses décombres, car nous pensons bien que l’opération de liquidation ne s’accomplira point sans risques pour celui qui l’entreprendra.


RENE LA BRUYERE.