Elles entendaient obtenir de lui par la menace ce qu’elles n’avaient pu obtenir par la persuasion. Elles espéraient que leur alliée, l’Italie, fidèle à ses engagements, se solidariserait avec elles. L’Italie, n’étant pas puissance garante, ne devait pas signer l’ultimatum qu’elles se proposaient d’adresser à la Grèce ; elle n’interviendrait, — cet ultimatum une fois signifié, — qu’en qualité d’alliée s’associant à elles pour exiger la réparation des griefs qui leur étaient communs.
Avant de lever le rideau sur les événements dont nous avons entrepris le récit, nous devons présenter à qui nous lit les acteurs qui y tinrent un rôle et, dans la mesure du possible, donner une idée de leur personnalité, en commençant par le groupe ennemi. En histoire, il n’est pas de meilleure méthode ni qui éclaire mieux le théâtre et les scènes qui vont s’y succéder. Le ministère hellène était alors présidé par M. Skouloudis, successeur de M. Vénizélos après un court ministère Zaïmis, alors que Vénizélos, au lieu de tenir tête aux prétentions de Constantin, avait donné sa démission pour ne pas ébranler le prestige de la dynastie. Les deux têtes du cabinet Skouloudis sont le général Dousmanis, chef de l’Etat-major, et le ministre de l’Intérieur Gounaris, petit avocat de province, devenu tout-puissant et millionnaire, germanophile ardent, ennemi juré de Vénizélos. Celui-ci ne compte que des adversaires parmi ces artisans de trahison, à l’exception du ministre de la Marine, l’amiral Coundouriotis, resté fidèle à l’illustre homme d’Etat auquel il devait donner ultérieurement des preuves de sa fidélité. La faction Skouloudis se divise en deux groupes : l’un, occulte, qui décide de tout ; l’autre, qui n’est qu’une façade et qu’en lui imposant les décisions du premier, on laisse dans l’ignorance des raisons et des causes qui les ont suggérées.
M. Skouloudis, maintenant octogénaire, avait quitté son pays étant encore jeune pour aller chercher la fortune à l’étranger. C’est en Angleterre et dans le commerce qu’il l’avait trouvée. L’ayant réalisée, il était rentré dans sa patrie pour y mener l’existence dorée que lui assurait sa richesse. Grâce à elle, il était devenu le familier de la Cour. Il avait dû à cette circonstance d’être ministre une première fois en 1897, et c’est ainsi qu’après la disgrâce de M. Vénizélos, le roi Constantin avait fait appel à ses services. Il a la réputation d’un grand comédien, particulièrement habile à entraîner ses