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prohibitifs pour la Pologne. Personne, chez nous, n’osera entreprendre la traduction d’un ouvrage français, même notoire, s’il doit payer en francs les droits d’auteur. Qu’on nous autorise, au moins pour quelque temps, à acquitter les droits fixés en marks polonais. » Je signale ces problèmes aux auteurs et au public, plutôt qu’à la librairie française, qui s’en est déjà inquiétée : je crois savoir qu’une de nos grandes maisons d’édition a étudié les moyens de fabriquer en Pologne même le papier et le livre, de manière à pouvoir livrer le produit à un prix qui ne décourage point l’acheteur. Nous ne saurions trop nous hâter pour susciter une concurrence à l’Allemagne sur un terrain qui n’est pas seulement économique : c’est le marché des idées qu’il s’agit de conquérir.

Nos grandes revues sont devenues en Pologne aussi rares que nos livres. Je ne parle pas des revues purement littéraires, dont les abonnés, cercles, bibliothèques, cabinets de lecture, ou simples particuliers, sont pour la plupart restés fidèles. Dans plusieurs maisons ou châteaux de Pologne, j’ai trouvé la collection complète de la Revue des Deux Mondes, depuis l’année de sa fondation jusqu’à ces derniers mois. Mais je pense à nos grandes annales scientifiques, à nos revues de philologie et de linguistique, de philosophie, d’histoire et de géographie, de mathématiques, de droit et de médecine, à tous les recueils où s’enregistrent périodiquement les efforts, les progrès et les découvertes de la pensée française.

Dans la plupart des bibliothèques municipales ou universitaires, comme dans celles des grandes écoles et des sociétés savantes, les collections de ces revues s’arrêtent à une date fatidique, celle de la guerre : elles n’ont pas été complétées depuis lors. Un professeur de droit de l’Université de Varsovie m’a dit : « Jamais vos admirables recueils de jurisprudence, « Codes annotés, » Sirey, Dalloz, ne nous auraient été plus utiles qu’en ce moment, où nous élaborons toute une législation nouvelle. Mais, depuis la guerre, ces publications ne nous parviennent plus ; c’est à peine si nous connaissons vos lois les plus récentes, et nous ignorons tout de vos derniers travaux juridiques. Il en résultera que les nouveaux codes polonais seront rédigés presque exclusivement sous l’influence de la science et de la jurisprudence allemandes, et peut-être ce résultat sera-t-il d’autant plus difficile à éviter que les professeurs de Cracovie et de Lwow,