Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

convention Lansing-Ishii leur a servi à faire croire que les Américains reconnaissaient au Japon, sous couleur d’intérêts spéciaux, un droit de protectorat sur la Chine. Au Chan-Toung, pendant la guerre et aussitôt après le Traité de Versailles, les Japonais, par toute sorte de « trucs, » — qu’on nous passe ce mot qui dit bien ce qu’il veut dire, — sont parvenus à acheter à très bas prix les mines et usines de cette province, notamment les importantes verreries et houillères de Po-Chan. Enfin, par des procédés du même genre, les Japonais étaient parvenus à conclure avec la Chine, le 30 mai 1918, une convention qui, sous prétexte d’intervention commune en Sibérie, leur confiait l’organisation et l’utilisation des éléments chinois qui coopéreraient à l’expédition. Les circonstances firent que la convention resta lettre morte : elle n’est pas moins significative. Les Japonais cherchent à s’imposer comme intermédiaires entre la Chine et le reste du monde civilisé ; ils traitent la Chine comme un pays de protectorat. Le comte Okuma ne disait-il pas récemment : « Nous n’arrivons pas à comprendre pourquoi la Chine, elle aussi, a été convoquée à Washington. » Un tel état d’esprit est caractéristique.

Dans le filet qui l’enserre la Chine se débat ; l’esprit national réagit contre la japonisation. Ce sont les étudiants qui reviennent des universités et des écoles du Japon qui mènent la propagande antijaponaise la plus acharnée ; les moyens matériels dont ils ont appris au Japon l’usage, ils prétendent s’en servir pour libérer leur pays de la suprématie japonaise qui détruirait son âme et supprimerait sa personnalité nationale. La guerre économique est l’arme des peuples désarmés. Les corporations admirablement disciplinées de travailleurs chinois ont commencé, aussitôt après l’issue défavorable donnée par la Conférence de Paris aux revendications chinoises dans la question de Kiao-Tchéou, un boycottage des marchandises japonaises qui éprouva sérieusement l’exportation (été 1919). L’hostilité s’étendait, quoique avec moins de violence, à tous les étrangers. La xénophobie est une maladie chronique de l’esprit chinois et l’une des causes de l’impuissance politique dont souffre ce grand et glorieux pays. Des troubles éclatèrent dans les ports, notamment à Fou-Tchéou, où les Japonais durent envoyer des croiseurs qui restèrent devant la rade jusqu’au 31 décembre 1919. Peu à peu les efforts du Gouvernement et