Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/119

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se dirigent non vers les États-Unis, mais vers la Corée, Formose et les possessions nippones ; mais il y a là pour eux une question d’amour-propre national. Dans l’hiver 1920-1921, la presse des deux pays devient de plus en plus alarmante. Le Chicago Tribune du 18 novembre défend la législation de l’Etat de Californie et parle de « la guerre qu’on ne pourra peut-être pas éviter. » Le New-York American du 3 décembre affirme que la paix avec le Japon ne peut être assurée que par la préparation militaire. Les armements japonais, le programme naval 8-8 (c’est-à-dire, pour 1928, 8 grands cuirassés, 8 croiseurs de bataille, n’ayant pas plus de 8 ans) sont commentés avec inquiétude. La Chambre américaine vote pour 1921-1922 (de juillet à juillet) un budget naval de 396 millions de dollars. « La guerre est inévitable, si les Japonais ne baissent pas le ton. » (New-York Tribune, 18 février.)

Les difficultés avec le Mexique accroissent les inquiétudes des Yankees. Le Mexique ne pourrait-il pas devenir, en cas de guerre, un allié tout au moins passif du Japon, qui débarquerait des troupes sur ses côtes ? On n’oublie pas l’effet qu’a produit, pendant la guerre, la révélation des intrigues du secrétaire d’Etat allemand Zimmermann, qui invitait le Japon à s’allier au Mexique contre les États-Unis.

Le Président Harding a voulu marquer son entrée en fonctions par un grand acte qui mette fin aux difficultés américano-japonaises et qui sauvegarde définitivement les intérêts américains en Chine. Du même coup, par le chemin détourné de l’Asie, l’Amérique rentrerait dans le concert européen avec ses anciens alliés. Telle est l’origine et telle est la portée de la conférence de Washington qui va s’ouvrir le 11 novembre.

Réussira-t-elle à empêcher une guerre que d’aucuns appellent depuis longtemps la guerre fatale ? S’il fallait en croire les voyageurs qui reviennent de Chine, le conflit serait inévitable et prochain ; la dernière phase de la lutte pour le Pacifique s’ouvrirait par une gigantesque guerre navale dont l’enjeu serait la suprématie en Chine et l’exploitation de quatre cents millions de Chinois par un État militaire mieux armé. Étudiant cet angoissant problème dès 1916, la « Société japonaise » de New-York découvrait onze raisons pour la guerre et onze pour la paix, que d’ailleurs elle jugeait plus fortes. Depuis lors, les motifs d’être pessimiste se sont accrus ; les affaires de