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dominer cet adversaire hypothétique[1]. Il est à noter, en effet, que celui qui a l’initiative de la manœuvre peut rassembler toutes ses forces pour surprendre son ennemi, au moment où celui-ci voit une partie de ses unités immobilisées dans les ports pour cause de réparation, d’où la nécessité de tenir compte du pourcentage des disponibilités qui en résultent.

Aux prétentions britanniques les États-Unis opposeront les arguments suivants. S’ils ne sont point obligés, comme les îles britanniques, d’assurer la subsistance de leur peuple par la voie maritime, ils ont, en revanche, à défendre deux rivages étendus qui font face à deux continents. Tandis que les escadres anglaises peuvent, d’un point comme Scapa-Flow, se rassembler et guetter les flottes qui menaceraient la métropole, le Navy Department est obligé d’envisager d’une façon tout à fait indépendante la sécurité des côtes du Pacifique et de l’Atlantique. L’isthme de Panama n’est pas une route de communication suffisamment rapide pour permettre à temps la jonction des deux flottes, en cas d’attaque brusquée survenant de l’Est ou de l’Ouest. Or, il se trouve que l’Angleterre est l’alliée du Japon : les États-Unis peuvent craindre la coalition de ces deux Puissances navales. Ce serait donc à eux à soutenir la nécessité du two power standard et non à l’Angleterre, qui, par suite de la disparition de la flotte allemande, est débarrassée de tout souci du côté de l’Europe. En outre, si les États-Unis n’ont pas d’empire colonial, ils ont à cœur de faire respecter leur fameuse doctrine de Monroe et à faire régner leur pouvoir sur les rivages des deux Amériques. Ils sont enfin obligés d’avouer que la pénétration asiatique leur cause un souci de plus en plus grand, et que leur flotte de guerre sera le meilleur rempart pour s’opposer à cette lente invasion. C’est dans cet esprit que le secrétaire de la Marine a réorganisé la flotte du Pacifique, qui se composera de tous les superdreadnoughts brûlant du pétrole, tandis que la flotte de l’Atlantique sera formée par les plus vieux cuirassés chauffant au charbon. Les États-Unis se trouvent dans une situation vraiment paradoxale. Ils ont inventé la Société des Nations et ils sont les seuls à n’en point faire partie ! Ils se plaignent de l’impérialisme des autres nations, et ce sont eux qui se sont

  1. La position de l’Angleterre est quand même plus solide qu’en 1914, parce qu’il n’existe plus de marine européenne.