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nouvelles tous les jours. Travaillez, espérez et croyez-moi tout à vous. »

« GUIZOT. »

Quinze jours plus tard, l’ « exilé de Carqueiranne » apprenait avec transports la révolution qui culbutait le trône des Bourbons.

L’établissement du nouveau régime, la monarchie constitutionnelle à l’anglaise sous un « roi-citoyen » comblait tous ses vœux. Il y voyait, avec l’idéal des gouvernements, le triomphe des principes de 1789, la victoire du Tiers-État, la conséquence et la fin nécessaire de nos traditions nationales, l’éclatante justification de ses théories historiques. Il en salua l’aurore avec ivresse ; nous le verrons en pleurer la chute avec désespoir. A l’exemple de ces Communes dont il avait retracé l’histoire, la France venait d’imposer sa volonté à l’autorité seigneuriale. Les Francs et les Gaulois, ces deux races opposées par la conquête, se réconciliaient enfin. Il n’existait plus ni maîtres ni sujets, mais seulement des Français et le Roi des Français. L’œuvre inachevée par la Révolution, 1830 la couronnait en fondant la liberté.

Par un juste retour, ceux qui furent à la peine arrivent à l’honneur. Successivement, Thiers, Villemain, Cousin vont devenir ministres ; Guizot l’est déjà, et l’un de ses premiers choix appelle Amédée Thierry à la préfecture de Vesoul.

A l’heure où le pays tout entier frémissait d’un souffle de renouveau, l’initiateur du grand mouvement historique qui semblait triompher ne pouvait demeurer enterré au fond de la Provence. Parvenus au pouvoir, nantis de places et de titres, ses compagnons de luttes, croyait-il, devaient avoir à cœur de ne point l’oublier. Il sentit cependant la nécessité de se rapprocher d’eux. Auprès des amis de la veille devenus les puissants du jour, son frère était un intermédiaire tout désigné par sa charge et par son affection. A peine installé, le nouveau préfet avait insisté pour l’appeler à ses côtés. Il redoubla d’instances à la fin de l’hiver. Augustin Thierry partit pour la Haute-Saône au commencement d’avril 1831.


A. AUGUSTIN-THIERRY.