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protestants rochelais avaient tort de résister à la force royale : toujours est-il qu’on aperçoit une coïncidence de cette opinion raisonnable et de quelques intérêts bien comptés. Six ans plus tard, les Tallemant venaient à Paris et, dans le quartier Saint-Eustache, installaient une banque des plus actives, à la réussite de laquelle la bienveillance des autorités fut très utile.

Le petit Des Réaux, à Bordeaux, s’éprend de poésie et de romans. L’Astrée lui monte l’imagination, qu’il a déjà très vive. Et il s’éprend d’une jeune cousine, Angélique Tallemant, jolie sans doute, mais encore plus gracieuse, qui chante d’une douce voix, et accompagne au luth ses chansons. Elle sourit toujours et diversement. Puis elle meurt ; et il en a beaucoup de peine. Mais il arrive à Paris et n’a point seize ans qu’il prélude à maints plaisirs.

On le met au collège et, pour qu’il aille au collège plus facilement que de la rue des Petits-Champs, qui est loin du quartier des écoles, on le met dans une auberge de la place Maubert où sont pareillement d’autres écoliers. Il a ses frères avec lui. L’aîné, que l’on appelle Boisneau, — comme, lui, Des Réaux, — est, à la ressemblance des Tallemant les plus nombreux, un vrai bourgeois et un marchand. Des Réaux a l’horreur du négoce et de la banque. Il aime la lecture. Sa mère lui demande pourquoi il achète des livres ; et quand donc finira-t-il d’étudier ? Il a, dans sa famille, une Mme d’Harambure, qui demeure rue des Vieux-Augustins et qui est une précieuse un peu célèbre.

Sa ruelle est fréquentée de quelques poètes : ils la comparent volontiers à une déesse, ses yeux à des escarboucles. De tels hommages l’ont rendue capricieuse et altière. Son mari, Jean d’Harambure, seigneur de Romefort et de la Boissière, ne l’importune pas, ayant une charge de cour et veillant aux oiseaux de chasse. Il est en outre commandant à Aigues-Mortes : il voyage et, que les poètes soupirent près de sa femme, que lui importe ? Mme d’Harambure avait composé des stances ; sous le nom de Livie, elle avait regretté la mort de sa sœur. Elle était lasse de louanges et disait un jour à sa demoiselle suivante : « La Cloche, n’ayons plus d’esprit ; cela est trop commun, tout le monde en a ! » Des Réaux fut très attentif aux charmes de Mme d’Harambure. Il rencontra chez elle Germain Habert, plus connu sous le nom de l’abbé de Cerisy et qui annonçait, dans un madrigal, « qu’il mourrait de trop de désirs, » si elle était inexorable. Cet abbé, l’un des amis de Conrart, est l’un des premiers académiciens sur lesquels compta Richelieu pour assurer la gloire des lettres françaises et