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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/232

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que mépris ; et il estime davantage un Benserade, qui n’est qu’un agréable poète, en ses meilleurs moments. Il connut Olivier Patru, grand avocat, bon grammairien, libertin renommé ; François Maucroix, deux et gracieux, très fougueux et qui savait dissimuler son ardeur ; Nicolas Perrot d’Ablancourt, terrible farceur et sans pareil quand il s’agissait de goguenarder. Il fréquenta l’hôtel de Rambouillet. Julie ne lui fut pas obligeante ; Julie était une pimbêche. Les Rambouillet durent le recevoir assez bien, malgré ses « origines bourgeoises » que Julie n’approuvait pas. Seulement, ces Rambouillet, qui menaient un joli train, manquaient d’argent quelquefois et alors s’adressaient à la banque des Tallemant. Pour la Guirlande de Julie, Des Réaux eut la commande d’une fleur de lis et la livra, digne de l’insupportable guirlande de l’insupportable Julie.

Le Parlement ou le mariage ! répétait le bonhomme Tallemant. Le mariage ! répondit enfin Des Réaux. Il avait une petite cousine, Elisabeth Rambouillet : ces Rambouillet n’ont rien à faire avec les parents de Julie. Elisabeth, menue et charmante, embellie encore de naïve coquetterie, était une fillette de moins de douze ans. Des Réaux, avant de l’épouser, devrait la laisser grandir. Peut-être fut-il, autant que par la grâce de cette enfant, séduit par le délai que lui imposait, avant de s’établir mari, un âge si tendre. Il n’aimait point Nicolas Rambouillet, qui serait son beau-père et qui était, à l’entendre, « un franc nouveau riche, » très vaniteux et accoutré comme un héros de théâtre, incommode aussi à cause de ses façons impérieuses. Des Réaux n’arrivait point à se défaire d’une Marie Le Goux, drôle de femme, qui l’avait longtemps éconduit et qui, au moment de la séparation, s’attachait à lui sans nulle opportunité. Il fallut obtenir du Roi une dispense, pour le mariage de Des Réaux et de sa cousine. Enfin, Rambouillet, devenu veuf, annonça qu’il se marierait une seconde fois avant sa fille : et ce fut le 12 janvier 1646. Deux jours plus tard, Des Réaux menait au temple de Charenton sa fiancée qui avait eu le temps de vieillir : elle avait douze ans et huit mois, Des Réaux vingt-sept ans. Et les années de ce garçon, depuis son adolescence, peuvent compter double, tant elles sont occupées d’un loisir que rendait sa turbulence une perpétuelle aventure, très variée, un peu absurde, où il s’informait de la vie sans précaution.


ANDRE BEAUNIER.