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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/299

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LA FAYETTE ET Mme DE STAËL
À PROPOS D’UNE CORRESPONDANCE INÉDITE

La Fayette ! Madame de Staël ! Deux noms qui appartiennent à la même période de notre histoire et que cependant on n’a point l’habitude de voir associés. C’est que le héros de l’indépendance américaine et l’auteur de Corinne n’ont jamais participé à une action commune et ont mené deux vies très différentes[1]. Semblable a été néanmoins en ceci leur destinée, que, depuis qu’ils ont disparu de la scène du monde, la popularité de leur mémoire a connu de singulières vicissitudes. Avant de publier un certain nombre de lettres du général à Mme de Staël, qui ne paraîtront pas, je l’espère, dénuées d’intérêt et qui font honneur à tous deux, je voudrais rechercher les causes de ces vicissitudes.


I

La popularité de La Fayette est depuis quelques années en recrudescence, mais c’est à l’Amérique qu’il le doit. Lorsqu’à peine débarqué, le général Pershing se rendit au cimetière de Picpus et devant la tombe de celui que Washington avait honoré de son amitié, prononça ces simples paroles : « La Fayette, nous voilà, » la France fut surprise de ce témoignage

  1. La Fayette et Mme de Staël paraissent avoir eu assez rarement des relations personnelles avant la Révolution. Dans ses Mémoires, La Fayette mentionne une seule fois qu’il dine chez Mme de Staël avec le ministre de Prusse Lucchesini.