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illustre père a eu le plus à se plaindre doit reconnaître, en vous lisant, de singuliers contrastes avec ses calomnies. Tous les partis dont aucun ne fut exempt de torts envers lui et la nation entière, doivent éprouver aussi le sentiment que vous avez justement voulu leur inspirer. Il me serait doux, chère madame, de vous parler moi-même des miens. Nous regarderions, ma femme, mes enfants et moi, comme un jour bien heureux, celui de votre arrivée à La Grange. Recevez du moins ici nos remerciements et nos vœux, et pensez quelquefois à la tendre amitié que je vous ai vouée.

LA FAYETTE.

J’ai besoin de vous dire, madame, avec quelle profonde et tendre émotion mon cœur s’est uni à tous les sentiments que votre ouvrage a fait éprouver ici, et combien je souhaiterais de pouvoir vous le dire moi-même dans ce lieu où il nous serait si deux de vous recevoir ! Agréez l’expression de l’attachement que je vous ai voué.

NOAILLES LA FAYETTE.


X

Aulnay, 16 août.

Voilà deux années, chère madame, où je me vois frustré d’une des plus douces consolations que je puisse avoir, celle d’embrasser mon beau-père[1]. Le besoin de mon cœur, ce devoir si sacré pour moi sont garants de l’obligation où j’ai été d’ajourner mon voyage. Le vif regret que j’ai éprouvé d’avoir été privé du plaisir de vous revoir s’augmente encore par la crainte que vous me donnez de ne plus vous trouver. Permettez-moi d’espérer ; vous savez que c’est la tendance de mon caractère. J’espère donc que soit à Coppet avant votre départ, soit à La Grange lorsque vous viendrez vous embarquer, ou de quelque manière que ce puisse être, je n’aurai pas à féliciter nos amis américains du bonheur de vous revoir avant d’en avoir joui moi-même.

Je suis pénétré du malheur de M. de Barante[2] ; ses

  1. Le duc de Noailles, beau-père de La Fayette, était resté en Suisse, au château des Uettins, près de Lausanne. Il avait contracté un second mariage avec une personne du pays, la comtesse Golowkinn.
  2. M. de Barante, préfet de Genève, père de l’historien des Ducs de Bourgogne, avait perdu la même année deux fils et une fille.