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point le plus critique. D’une part, la vie tend à baisser depuis quelques mois. D’autre part, le moment est passé où quiconque avait n’importe quoi à vendre, fût-ce le travail nonchalant d’une paire de bras inéduqués, faisait figure d’un privilégié au regard de l’intellectuel famélique et du fonctionnaire en jaquette élimée. Le temps n’est plus où, également immoraux, le spéculateur et le manœuvre représentaient des aristocraties brutalement triomphantes. La crise industrielle et ses graves répercussions attestent la fragilité des fortunes bâties sur le sable ou dans les nuages, remettent en lumière les avantages des carrières où les profits immédiats sont moindres, mais l’avenir moins instable. La crise du chômage, la tendance à la baisse des salaires préparent une plus juste redistribution des valeurs entre le travail manuel et celui de l’esprit.

Parmi les difficultés qui subsistent, nul doute que des innovations qui déjà se dessinent ou qu’il est aisé de prévoir n’en atténuent quelques-unes. Quand on recommencera à construire, les logements mieux compris faciliteront à leurs hôtes une vie, peut-être plus simple, mais où la bourgeoisie conservera ses habitudes essentielles. Nous ne reverrons pas les serviteurs irréprochables du bon vieux temps, — ils n’ont d’ailleurs jamais existé qu’à l’état exceptionnel, — mais certaines corrections à nos mœurs, la multiplication des agents mécaniques et les services extérieurs suppléeront au trouble créé par la raréfaction de leurs services. En somme, la balance sociale, complètement renversée par des circonstances économiques exceptionnelles, tend et semble devoir tendre davantage à reprendre un équilibre plus normal.

L’Etat y a contribué par des initiatives raisonnables. Quelles que fussent nos difficultés financières, il a compris que, pour trouver des collaborateurs, il fallait leur assurer des conditions d’existence acceptables. Postérieurement à l’enquête du Musée social, à l’occasion du vote du budget de 1921, les traitements d’un grand nombre de fonctionnaires, en particulier ceux de l’enseignement, ont subi d’équitables relèvements. Un certain prestige, des avantages modestes, mais appréciables, sont désormais assurés de nouveau à des carrières dont le recrutement était gravement menacé. On peut croire qu’il tend à être conjuré, au moins partiellement, le grave péril que constituait l’affaiblissement général qui se dessinait dans les cadres mêmes de l’Etat français.