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pour l’art, et pour laquelle la Belgique existe comme source d’inspiration et comme un élément sans cesse renouvelé d’expression. M. Georges Eekhoud, issu comme son ami et contemporain Camille Lemonnier du naturalisme, porte jusque dans ses outrances une pitié, une tendresse où palpite un régionalisme farouche. Pour des conteurs alertes comme MM. Hubert Krains et Louis Delattre, la grande affaire, c’est de refléter à travers leur prose, dégagée de tout artifice, la sensibilité des choses et des gens du terroir. La forme dramatique de M. Spaak, qui se sert tantôt de la prose et tantôt du vers libre, est fort éloignée de l’art classique. Elle emprunte à l’imitation des petits maîtres flamands, et au recueillement des primitifs de l’Escaut et de la Meuse, le mouvement et le lyrisme de ses pièces à décors et a costumes. Un souci analogue a poussé M. Henry Carton de Wiart à évoquer dans ses romans historiques un passé vivant. Quant au culte des idées pures, à l’appropriation à la vie nationale quotidienne des préoccupations morales et sociales, cherchez-les dans les comédies dramatiques de M. Gustave van Zyne. Il a été choisi par ses confrères pour être le secrétaire perpétuel de la jeune Académie. Nul n’est plus qualifié que lui pour apporter dans ce magistère la conscience de la responsabilité des lettres dans l’Etat.

Voit-on à travers ce rapide essai de synthèse se dessiner quelques traits du visage de la compagnie? Six sièges y sont encore vacants, au titre littéraire; les choix à venir décideront sans doute de l’orientation de l’Académie belge. Jusqu’à quel point les philologues, qui sont déjà six et disposent encore de quatre fauteuils, auront-ils part à cette décision? Le règlement, je crois, les cantonne dans leur province. Mais ils ont sur leurs confrères la supériorité d’une formation académique, d’une discipline littéraire. Ils pourraient bien s’emparer du sceptre vacant de la critique. Deux d’entre eux au moins, MM. Wilmotte et Georges Doutrepont, ont à leur actif une production littéraire en marge de leur spécialisation linguistique.

Sur les dix membres étrangers prévus par l’arrêté de fondation, quatre sont déjà nommés : la comtesse de Noailles» M. Benjamin Vallotton et M. d’Annunzio pour la littérature, M Brunot pour la philologie. Le statut légal les tient à l’écart du recrutement des membres belges. Mais ils doivent pour le reste être mêlés à la vie académique. Il faudra cependant des