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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/567

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sculpture et la peinture; il a cependant trouvé des interprétations littéraires, d’ailleurs fort contestables.

Les chapelles littéraires ont une tendance fâcheuse à pulluler. C’est une tentation permanente de se persuader qu’on a des idées à soi qui ne sont celles de personne, qu’on détient à soi seul avec ses amis l’art de créer des chefs-d’œuvre et le modèle de la littérature de demain. On a vite fait de faire bande à part. D’ailleurs, il est moins malaisé de faire un manifeste qu’un poème ou un roman. On trouve plus aisément la formule de l’originalité qu’on veut avoir, qu’on ne la réalise dans une œuvre. Cependant il ne faut pas oublier qu’en France, souvent, la critique et la théorie ont précédé la création littéraire. Notre intelligence veut comprendre avant de faire. La multiplicité des manifestes est un signe que chacun cherche avoir clair dans son effort. Il reste néanmoins que les rédacteurs de manifestes paraissent obéir parfois au besoin, moins d’éclaircir leurs propres idées que de se distinguer des groupes voisins; et l’on s’en distingue plus aisément par les mots que par la pensée.

Rien n’a plus donné à la littérature actuelle un caractère d’anarchie que la multiplicité des groupes et des programmes. La plupart des critiques et des écrivains ne se lassent pas de déplorer cette anarchie. Chaque groupe la ferait volontiers cesser en se chargeant du gouvernement de la littérature.

J’avoue que cette anarchie ne m’effraie point. Elle est le résultat naturel de la disparition du dogmatisme littéraire, qui laisse à chaque écrivain la liberté de construire l’œuvre qui lui plait et d’y mettre ce qu’il veut. L’unité ne peut donc plus être qu’une convergence des libres efforts, un consensus spontané ou réfléchi des personnalités souveraines. On conçoit qu’une telle unité ne soit pas extérieurement toujours apparente et qu’elle ne se réalise que lentement.

Sans entrer dans le détail des idées et des formules de chaque groupe, on peut, sans trop de peine, distinguer, à travers la diversité des programmes, quelques tendances assez communes par lesquelles se rapprochent des écrivains appartenant à des groupes très différents.

Une chapelle n’est pas toujours une société bien homogène. Elle se forme un peu au hasard des camaraderies et des relations qui rassemblent à Montmartre ou à Toulouse, au Quartier Latin ou à Lille, des jeunes gens de tempéraments très divers et