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Il lui appartient d’abord par sa famille et les origines même de cette famille[1].

Vieille famille, assise depuis des siècles au cœur même de la Provence, au pied des Alpilles, en ce petit pays d’Orgon, qui n’est pas loin de Saint-Rémy, la patrie de Roumanille, de Maillane, la patrie de Mistral. Au XVIIIe siècle un Esprit Rostand y est notaire royal. Un fils de cet Esprit, — le joli nom pour qui doit faire souche de poètes ! — descend à Marseille, y vient fonder une maison de commerce pour la vente des draps ; il y épouse une fille de Toulon, Marguerite Lions ; il en a huit enfants ; l’un d’eux, qui s’appelle Alexis, a vingt ans quand la Révolution éclate ; il sert à l’armée des Pyrénées-Orientales, il y est cité à l’ordre du jour pour être entré le premier dans une redoute ; à l’armée des Pyrénées-Orientales servait aussi à cette date un jeune homme de Maillane, qui s’appelait François Mistral ; c’était le père du grand poète[2].

Les guerres finies, Alexis Rostand rentre à Marseille, y fait du commerce comme son père, et dans la cité qui se réorganise prend peu à peu une place éminente ; juge et président du Tribunal de commerce, maire de la ville de Marseille, président du Conseil général des Bouches-du-Rhône, fondateur et président de la Caisse d’épargne, auteur de nombreux mémoires, rapports et discours, il répand en tous sens une magnifique activité de grand travailleur et meurt en 1854, en sa quatre-vingt-sixième année, chargé d’ans et d’honneurs.

En même temps, son frère Bruno faisait du commerce avec les Échelles du Levant ; un jour un voyageur vint le trouver, qui lui demanda de noliser un brick à son intention ; M. Bruno Rostand mit à sa disposition l’Alceste, commandée par le capitaine Blanc, du port de la Ciotat. On était au mois de juin 1832 ; le riche voyageur, qui voyait des fenêtres de l’hôtel Beauvau l’Alceste se balancer dans le Vieux-Port, s’appelait Alphonse de Lamartine. Ecoutons le grand poète[3] :

« L’armateur est un des plus dignes négociants de Marseille, M. Bruno Rostand. Il nous comble de prévenances et de bontés.

  1. V. Octave Teissier : Les anciennes familles marseillaises, Marseille, 1888.
  2. F. Mistral : Memori e raconte, chap. II.
  3. Lamartine : Voyage en Orient.