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Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/66

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Ainsi le fils tâchera de réaliser le vœu du père ; être utile, servir les hommes de son travail et de son chant, tel sera l’idéal de l’un comme de l’autre, que résume une simple phrase latine gravée sur leur tombeau au cimetière de Marseille : Egerunt et cecinerunt.

Et voici que le père, qui n’a pas pour la poésie les dons magnifiques de son fils, l’abandonne décidément pour se donner tout entier à l’action, mais à l’action dans un cadre de poésie et de beauté tout de même, en ce pays de Provence, dont il sent bien toute la splendeur. C’est à Mistral qu’il avait voulu dédier les Sentiers Unis et deux ans plus tard, le 13 février 1887, directeur de l’Académie de Marseille, il l’y reçoit et l’y salue en beaux termes ; il le loue d’avoir laissé « s’épanouir son œuvre, sans une concession, loin du centre factice, où l’injustice intellectuelle, le véritable crime contre l’esprit se commet chaque jour ; » de même que, deux ans plus tôt, il l’avait loué en vers d’avoir su conserver « l’esprit droit, » et « l’âme saine » et d’avoir eu, robuste, une foi.

Et pour son compte, cette foi s’exprimait de toute façon dans les œuvres sociales, par l’organisation définitive de la Caisse d’épargne qu’avait fondée à Marseille son grand-père Alexis, par la construction d’un hôtel pour cette Caisse d’épargne, que décoraient des artistes comme Allard, Carli, Lombard, René Ménard, Henri Martin, par la présidence de la Société des habitations salubres et à bon marché, par sa coopération à l’administration de la Cité, comme adjoint au maire, par sa participation depuis 1877 aux travaux de l’Académie, par sa présidence des œuvres d’Assistance par le Travail, du Crédit Populaire, sa collaboration au Journal des Débats et au Journal de Marseille.

Incessante, écrasante activité, qui eût suffi à occuper plusieurs hommes ; mais ce fils de Marseille a l’esprit souple ; artiste et économiste, il passe de Catulle ou de Mistral aux questions sociales avec une aisance qui témoigne d’une rapidité d’esprit toute particulière et qui est le propre d’une riche nature méridionale, semblable à celle de son frère Alexis, musicien et financier, qui dirige le Comptoir d’Escompte de Marseille et compose avec Eugène Rostand, en 1872, un oratorio biblique,

[1]

  1. Les Musardises, 2e édit. p. 58.