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noter qu’à peine sorti de Stanislas, quand Edmond Rostand songe à la gloire littéraire, celle que distribue Paris semble l’effrayer, et c’est vers Marseille et son Académie qu’il se retourne avec confiance, en prenant part au concours qu’elle ouvre pour l’année 1887.

L’Académie de Marseille, son père, je l’ai dit, en faisait partie depuis plusieurs années. Sans avoir l’âge ni la gloire de l’Académie française, celle de Marseille a quelques titres qu’elle peut faire valoir avec honneur ; elle a été fondée en 1726, par Louis-Hector, duc de Villars, qui fut gouverneur de Provence et dont on voit la statue à l’hôtel de ville d’Aix, soulignée de cette inscription flatteuse : « Hic novus Hector adest, quem contra nullus Achilles. » Cet Hector lettré lègue à son fils, Honoré-Armand, avec le gouvernement de la Provence, le soin de protéger l’Académie qu’il a fondée ; des hommes illustres en font partie à titre de membres correspondants, Louis Racine, Voltaire, le marquis de Mirabeau ; elle est affiliée solennellement à l’Académie française, et ses membres ont droit de siéger, quand ils viennent à Paris, à côté des Immortels. Si la Révolution a balayé de tels honneurs et supprimé ces rapports intéressants dont il serait peut-être opportun d’examiner le rétablissement salutaire, l’Académie de Marseille se vante d’avoir compté au XIXe siècle des associés ou des membres tels que Lamartine, reçu par elle avec pompe, quand il vient s’embarquer pour l’Orient, les Méry, Joseph Autran, Jules Charles Roux, Jacques Normand, les Rostand, Frédéric Mistral.

Encouragé par de tels souvenirs, se rappelant peut-être que l’Académie de Dijon révéla J.-J. Rousseau, et que celle des Jeux Floraux de Toulouse couronna la première Victor Hugo, le jeune Edmond Rostand prend part à ce concours de 1887, dont le sujet était un mémoire sur « deux romanciers provençaux, Honoré d’Urfé et Emile Zola, » Honoré d’Urfé, bien que de race savoyarde étant né à Marseille et Zola étant né à Aix.

Plutôt que de Zola, Edmond Rostand eût aimé sans doute discourir d’Alphonse Daudet, pour lequel son goût, dès le lycée, était très vif, ont dit ses camarades Jean Payoud et Paul Brulat, et qu’il imite en effet dans un conte, œuvre de jeunesse qu’ont publiée depuis les Annales politiques et littéraires. Mais s’il a quelque répugnance à parler de Zola, au contraire discourir d’Honoré d’Urfé, ce romancier de la préciosité, enchante