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Dimanche, 6 février.

Le colonel Tatarinow, attaché militaire à Bucarest, quitte Pétrograde demain pour rejoindre son poste.

Les conférences qu’il vient d’avoir avec le Chef d’État-major général et le ministre des Affaires étrangères lui permettent de faire connaître avec précision, à l’État-major roumain, les mesures que la Russie pourrait prendre éventuellement pour secourir la Roumanie.

Quant à la conclusion d’une convention militaire, qui est un acte gouvernemental au premier chef, il est indispensable que Bratiano se déclare expressément prêt à la négocier, comme Sazonow le lui a proposé.

Or, jusqu’ici, le ministre de Roumanie à Pétrograde, qui est, l’interprète officiel et nécessaire de son Gouvernement auprès du Gouvernement russe, n’a reçu aucune instruction. Interrogé par Sazonow sur les intentions de Bratiano, il a dû répondre :

— Je les ignore absolument…


Lundi, 7 février.

Sturmer a choisi, comme directeur de son secrétariat, Manassiéwitch Manouïlow. Ce choix, qui fait scandale, est significatif.

Je connais un peu Manouïlow, ce qui désole l’honnête Sazonow. Mais ai-je le droit d’ignorer le chef du service des informations du Novoïé-Vrémia, qui est le plus important journal de Russie ? D’ailleurs, nos relations sont antérieures à mon ambassade. Je l’ai entrevu jadis, vers 1900, à Paris, où il travaillait comme agent de l’Okhrana, sous les ordres du fameux chef de la police russe en France, Ratchkowsky.

Le personnage est des plus curieux. D’origine juive, d’esprit vif et retors, aimant la vie large, les plaisirs et les objets d’art, dénué de toute conscience, il est à la fois mouchard, espion, aigrefin, escroc, tricheur, faussaire, ruffian, un mélange singulier de Panurge, de Gil Blas, de Casanova, de Robert Macaire et de Vidocq : « au demeurant, le meilleur fils du monde. »

Pendant ces dernières années, il a participé à quelques