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Constantinople, voici qu’ils nous parlent de la Chine et de la Sibérie. A l’origine de telles possibilités, il est juste de placer la grande œuvre franco-américaine, trop longtemps méconnue, le canal de Panama. La première période de la lutte pour le Pacifique a eu comme conséquence l’achèvement du canal à écluses tel qu’il existe aujourd’hui ; de la phase nouvelle qui s’ouvre sortira le canal à niveau, la jonction définitive, complète et sans obstacle des deux Océans.

Pour comprendre dès maintenant la portée de l’initiative du nouveau Président des États-Unis, il faut en discerner tous les aspects. Elle est à la fois une manœuvre de politique intérieure et un acte de politique extérieure. L’expansion dans le Pacifique fait partie du programme des républicains ; c’est Roosevelt qui, en mai 1903, a déclaré, dans son discours de Watsonville, que la domination du grand Océan est réservée aux Etats-Unis. De la politique du Président Wilson, son adversaire heureux prend ce qui a gardé quelque crédit auprès du peuple américain : l’essai de pacification universelle ; il ne se rallie pas à la Société des Nations, œuvre du Président démocrate, pour laquelle la campagne électorale a montré l’aversion de l’opinion publique ; mais il tend par d’autres voies vers des fins du même ordre et travaille à refaire, autour des problèmes du Pacifique, l’union avec les Puissances auxquelles, pour triompher de l’Allemagne, s’associèrent les États-Unis. Cette entente salutaire, il la prétend refaire à propos de questions qui touchent de plus près aux intérêts les plus importants des États de l’Union américaine et particulièrement des États de l’Ouest, dont le suffrage fait souvent pencher la balance dans les élections : l’avenir de la Chine, la maîtrise du Pacifique, l’exclusion des Jaunes. Voilà pour la politique intérieure.

Au point de vue extérieur, le Président Harding porte au Japon, si impopulaire aux États-Unis, un coup droit, en le plaçant dans l’alternative de renoncer à sa politique d’expansion en Asie ou de rompre en visière aux États-Unis, à l’Europe et aux principes dont lui-même se réclame. Par ricochet, le Cabinet de Washington met dans l’embarras la politique britannique. Va-t-elle renouveler son alliance avec le Japon, et si elle la renouvelle, ne se trouvera-t-elle pas obligée de choisir entre le Japon et les États-Unis, dont l’amitié lui est précieuse et dont l’hostilité lui serait redoutable ? Et si l’Angleterre reste.