Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 6.djvu/964

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se permette de temps en temps un bon mot à la Conférence des ambassadeurs; mais l’univers a le droit de l’ignorer.

Sardines et flore sous-marine, ce n’est rien encore en comparaison de la prétendue injure que M. Briand aurait adressée à l’Italie. N’aurait-il pas dit à M. Schanzerque, si le Cabinet de Rome était disposé à accepter un désarmement terrestre, c’était parce que l’armée italienne, moralement décomposée, s’était spontanément démobilisée? Phrase absurde, outrageante et grossière, qui n’est assurément pas dans la manière de M. Briand et qu’en aucune circonstance, nul homme politique français n’aurait eu, ni le mauvais goût de prononcer, ni la sottise de penser. Qu’importe? Un Président du Conseil, haranguant une conférence diplomatique, vient de recueillir, pour lui et son pays, des bravos et des vivats; l’heure n’a-t-elle pas sonné de lui faire payer la rançon de ce petit triomphe ? On le surveille, on l’épie, on le guette, et s’il est assez heureux ou assez maître de lui pour ne commettre aucune maladresse de langage, on imagine, on invente, on falsifie. Et voici encore qu’un propos, télégraphié par erreur en Angleterre, revient en Italie grossi, enflé et coloré, et passe pour une vérité établie dans la plupart des journaux de la] Péninsule. Vainement M. Briand proteste, M. Schanzer dément, M. Hughes lui-même donne son témoignage. Vainement M. Bonomi et le marquis Délia Torretta déclarent-ils, à Rome, que jamais le chef de la Délégation française n’a tenu le langage qui lui est prêté. Les scènes lamentables dont notre ambassadeur et nos généraux ont été naguère, à Venise, les témoins et les victimes se renouvellent avec aggravation. Des étudiants promènent dans les rues des écriteaux portant les mots : « A bas la France ! Mort à Briand ! » A Turin, le Consulat de France est envahi, le consul est menacé, le chancelier est frappé. A la Chambre, il se trouve un député pour parler avec ironie des quarante Français qui seraient seuls morts au Mont Tomba et pour glorifier, en retour, les milliers d’Italiens qui seraient, paraît-il, tombés au Chemin des Dames. Bref, tous les mauvais germes, jetés depuis des mois par la propagande allemande, lèvent, en quelques heures, des pentes des Alpes aux extrémités de la Sicile, et une multitude de braves gens se précipitent, affamés, sur les fruits de ces plantes vénéneuses. Comment empêcher, dès lors, nombre de nos voisins de croire, dur comme fer, que les divisions françaises ont lâché pied en Italie et que, sans le concours des troupes italiennes, Paris aurait été pris? Peut-être serait-il plus raisonnable de nous rendre mutuellement justice, d’honorer également nos morts et de