Page:Revue des Deux Mondes - 1921 - tome 61.djvu/175

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

partie de ce matériel et que nous ne le tenions pas encore. Il n’était que trop vrai que nous nous étions laissé rouler par la diplomatie hellénique, par l’Etat-major, par le Roi lui-même et qu’ainsi s’étaient préparées sous nos yeux les tragiques journées de décembre en dépit des avertissements réitérés de notre service des renseignements.


IV

Nous voici arrivés au 1er décembre. Les péripéties de cette journée seront l’objet d’un récit ultérieur. Mais nous devons constater, dès maintenant, qu’elles attestent des intentions résolument agressives, une longue et minutieuse préparation. Il n’est pas, jusqu’à la présence de certains personnages et leur rôle révélateur qui ne soient un aveu. De quelque côté qu’on regarde, tout ce qu’on observe découvre l’ennemi, un ennemi à qui, — à force de patience, de confiance et de crédulité, — on a laissé dresser son plan homicide.

Entre ces personnages, il en est un qu’on voit se présenter et diverses reprises au Zappeion dans la journée du 1er décembre, pour conférer avec l’amiral Dartige. A peine y arrive-t-il que les batteries des réservistes, — comme si elles obéissaient à un signal invisible pour les assiégés, — suspendent leur tir ; mais aussitôt que ce négociateur est sorti, et s’est éloigné, elles reprennent leur besogne meurtrière avec la même soudaineté. Il y a donc là un accord convenu d’avance. Un fait du même caractère dramatisera le douloureux épisode des obsèques de nos marins, tombés dans le guet-apens où ils avaient trouvé la mort. Du reste, tous les actes de ce terrible drame témoignent au même degré du désir de duper, de tromper, de « rouler » les Français au profit des Allemands.

En ce qui touche les journées de décembre, on peut dire qu’il y en a eu trois. La première est celle du 1er de ce mois, c’est celle du guet-apens. Elle se caractérise par un trait révélateur : lorsque nos équipages de débarquement vinrent occuper dans Athènes les positions qui leur avaient été assignées, elles se trouvèrent aussitôt sous le feu des batteries grecques, étagées sur les hauteurs environnantes, ces collines aux noms classiques, évocateurs d’un passé de gloire. Au soir de ce jour, on comptait parmi nos marins des morts et des blessés dont le nombre allait encore s’accroitre.