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REVUE DRAMATIQUE


THEATRE DE PARIS : L’Homme à la Rose, pièce en trois actes de M. Henry Bataille. Musique de M. Raynaldo Hahn.


Il n’y a guère de type qui, depuis trois cents ans, ait été plus souvent mis à la scène que celui de Don Juan. C’est, on s’en souvient, pour profiter de la vogue qu’obtenait, à Paris même, Il Convitato di Pietra, que Molière improvisa son Festin de Pierre. Le roman s’en est emparé, après le théâtre. Puis les poètes se sont mis en frais de lyrisme, et parfois même ils ont un peu déliré en son honneur : la plus grande folie a été celle des romantiques qui ont fait de Don Juan un idéaliste éperdu. Je doute que sa nouvelle incarnation, sous les traits de l’Homme à la Rose, ajoute beaucoup à la littérature du sujet. Ce qui manque le plus à la pièce nouvelle de M. Henry Bataille, c’est l’étude d’un caractère. Pièce toute en surface, qui s’adresse aux yeux par de somptueux décors et d’opulents costumes, et à l’oreille par une musique langoureuse, mais très peu à l’esprit. On y a prodigué les ressources de la mise en scène, déployé l’appareil des pompes funèbres et le cérémonial des enterrements de première classe, exécuté toute la gamme des jeux de lumière, jusqu’à faire apparaître des femmes nues et des fantômes. Mais le moindre grain d’analyse eût beaucoup mieux fait notre affaire.

Le premier acte est, tout entier, un chapitre de roman d’aventures, avec rendez-vous nocturne, substitution de personne, guet-apens et assassinat : la plus grande partie se passe autour d’un cadavre. Dans une chaude nuit d’Espagne, les abords et la terrasse d’un château. Consuelita, duchesse de Minès, qui a rencontré Don Juan à l’église, l’attend en l’absence de son mari. Mais au point où il est arrivé de sa carrière amoureuse, Don Juan commence à sentir la fatigue. Il éprouve le besoin d’espacer ses expériences. Il s’adjoint un