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REVUE LITTÉRAIRE

LE NOUVEAU ROMAN DE M. MARCEL PRÉVOST [1]

Il y a, dans l’œuvre d’un écrivain, — mais d’un écrivain digne de ce nom, que méritent quelques romanciers, — de ces livres qui font parler pour ainsi dire : l’on s’y arrête et l’on s’y repose avec plaisir. C’est un point d’aboutissement provisoire, et l’écrivain repartira encore plus allègre : il a bien accompli l’une de ses étapes.

La nuit finira est, dans l’œuvre de M. Marcel Prévost, l’un de ces romans heureux, qui ont l’air de marquer une belle heure de la journée ou la belle saison de l’année, l’heure de la lumière épanouie et la saison des granges pleines. Il a une sérénité parfaite, la sérénité de l’intelligence avertie et du cœur content : il a, dans le pathétique même, une tranquillité qui n’est pas l’indifférence, mais la plus fine sensibilité soumise au gouvernement de la raison ; dans le débat des plus tragiques problèmes, une tranquillité qui n’est pas le scepticisme le moins du monde, mais la certitude enfin trouvée. Tant de sécurité est charmante et, au lendemain des jours durant lesquels il a semblé que le tumulte de l’univers allait gagner les esprits et les âmes, elle est poignante, et bienfaisante, et admirable. Elle a de l’analogie avec ce qu’on pourrait appeler une morale de la victoire.

Si je mentionne la guerre, son trouble immense et l’apaisement qui succède à l’épreuve, c’est que nulle pensée, tant soit peu attentive, ou seulement susceptible d’être émue, n’a subi les tribulations de cette époque sans perte ou profil, perte au cas d’une faiblesse qui l’a rendue incapable de résister au choc, et profit pourvu qu’elle ait eu de la force prête. C’est aussi que M. Marcel Prévost, loin d’éluder

  1. La nuit finira, deux tomes (Lemerre).