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provenant de la liquidation des stocks, deux milliards six cent millions fournis par la contribution extraordinaire sur les bénéfices de guerre, un milliard quatre cent vingt-huit millions représentant le solde éventuel de la même contribution ; c’était tout, et le reste devait être demandé à l’emprunt ou laissé à la bienveillance du hasard.

Le Gouvernement n’avait pu faire mieux et il serait injuste de lui reprocher trop amèrement son impuissance. Le lourd fardeau des dettes de guerre et l’augmentation croissante du prix de la vie ne lui ont pas rendu la tâche facile. Lorsque le ministre des finances a commencé l’étude du budget de 1921, les administrations lui demandaient sans vergogne une augmentation de dépenses de cinq milliards et demi. La certitude du déficit est un si mot oreiller pour les ministères ! Dès que l’équilibre est rompu, il n’y a plus rien à ménager. Un peu plus, un peu moins d’emprunt, qu’importe ? L’État est grand seigneur et c’est élégance pour lui que d’avoir des créanciers. Le ministre des Finances trouva cependant exagérées ces prétentions administratives et il se donna pour tâche, nous dit-il dans l’exposé des motifs, d’éliminer, « par une sélection réfléchie, » tout ce qui n’était pas indispensable. Comment donc expliquer qu’après cette déclaration solennelle, le gouvernement ait tout à coup consenti, devant le froncement de sourcils des commissions parlementaires, à subir trois milliards de réductions nouvelles ? Si ces réductions sont acceptables et sérieuses, comment le ministre ne les avait-il pas découvertes au cours de sa sélection réfléchie? Et si elles ne sont qu’apparentes ou provisoires, pourquoi les fait-il siennes aujourd’hui ? L’avenir éclaircira peut-être ce mystère. Pour le moment, les commissions n’ont pu que remercier le gouvernement de ce présent inespéré.

Le budget de 1921 n’en est pas encore, par malheur, sensiblement amélioré, et, si nous n’y prenons garde, les difficultés qui pèsent sur l’exercice prochain s’aggraveront encore les années suivantes. Les ressources exceptionnelles que j’ai énumérées tout à l’heure ont, en effet, un caractère temporaire. Il ne faudrait pas que l’annualité budgétaire nous empêchât de considérer, dans leur ensemble, les budgets qui se succèdent. L’annualité n’est pas un principe; c’est, à certains égards, une garantie prise contre les abus administratifs; mais c’est aussi un expédient et une fiction. Les budgets ne sont pas des êtres distincts, indépendants les uns des autres, qui passent, sans se connaître et sans s’influencer, sous les yeux inquiets des contribuables. Ils sont, au contraire, reliés les uns aux autres par une chaîne sans fin et le moindre mouvement qui se produit dans un chaînon se répercute sur