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Bien vite, puisqu’Odette, mariée en 1908, était devenue la maîtresse de Larzac en 1912. Tout de suite cette autre influence avait prévalu, souverainement. Malhyver était de ces hommes qui n’ont aucune notion des susceptibilités secrètes d’un cœur de femme, de ses besoins de tendresse, de caresses, de cour quotidienne. C’était le mari dévoué, mais mal apparié à sa compagne et qui ne le sait pas. C’était aussi l’intellectuel, répétons le mot, pour qui les menus événements autour desquels s’attarde l’esprit féminin n’existent pas, une sensibilité droite et loyale, mais sans nuances. Xavier de Larzac au contraire était de la race des séducteurs-nés, de ceux pour qui rien ne compte que les aventures d’amour et les détails d’élégance qui en font l’accompagnement dans un milieu de luxe et de loisir : une toilette, l’ordonnance d’une fête, les assiduités, les rencontres dans le monde. La camaraderie de collège qui l’unissait à Malhyver avait rendu facile l’intimité d’Odette avec cet ami sans scrupules, lequel pratiquait la maxime des roués du XVIIIe siècle, qu’une femme appartient de droit à qui sait la prendre. Le reste avait suivi. Que de fois ce fringant et léger Larzac avait ri avec Odette de ce qu’ils appelaient « le côté gobeur » du mari trahi ! Mais il y a une force dominatrice dans le son de voix d’un homme de cœur qui parle sa pensée la plus intime, comme Géraud à cette minute, et ce fut dans un silence à peine coupé de brèves réponses qu’elle écoutait cette confidence ainsi annoncée, ou plutôt cette confession. Quel contraste entre les pensées qui l’avaient assiégée au chevet de la mourante et cet examen de conscience où l’héritier des Malhyver ne se racontait pas seulement lui-même ! A force de sérieux et de sincérité, Il découvrait une des misères de la vie française depuis plus d’un siècle, et pourquoi, et comment cette misère essayait de se guérir en lui.

— Le tête-à-tête avec la mort, que vous venez d’avoir, Odette, au chevet de votre tante, je l’ai eu, plus de quatre ans, moi, dans la tranchée, dans la bataille, à l’hôpital. Ce sont les réflexions, suscitées en moi par cette longue épreuve, que je veux vous avoir dites d’abord. Elles vous éclaireront la suite. J’aurais dû, et c’est le reproche que je m’adresse, vous y associer par mes lettres de là-bas, par mes conversations à mon retour. Je ne l’ai pas fait. C’est mon défaut : plus je sens fortement, plus je me tais. Et puis, à chaque permission, je vous trouvais dans un tel état de nerfs ! Je me suis fait scrupule