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conscients de leur rôle social, qui sont en France la vie et la tête, la respiration régulière du pays. En Allemagne, il y a le prolétariat et puis l’aristocratie de la terre, de l’industrie, de l’argent. Pas d’entre-deux. Aussi quel souvenir gardent de cette formation franco-rhénane les Rhénans réfléchis ! Trente ans plus tard, on parlait encore de ces notables dans le Palatinat. On les y voyait encore vivre.

Dans le Palatinat surtout, car ici les vallées montagneuses, plus à l’abri des influences prussiennes, assez ménagées par l’administration bavaroise, ont mieux gardé que le Rhin le trésor moral que la France y avait constitué. Dans son livre charmant sur le Palatinat et les Palatins, l’instituteur Becker célèbre avec la liberté la plus naïve les notables palatins, dont les vertus de travail et de bienfaisance l’émerveillent. Il nous décrit autour de lui toute une collection de ces figures respectées ; le vieux Petersen, l’ancien sous-préfet napoléonien de Kaiserslautern ; chevalier de la Légion d’honneur, qui vivait dans son agréable maison de campagne des environs de Klingenlünster, et qu’il célèbre comme un des plus remarquables palatins qui aient jamais existé ; Michel Hoffmann, qui fut maire de son village, de 1805 à 1846, année où il mourut au milieu de sa nombreuse famille, et qu’il appelle pompeusement « le César de Klingenmünster ; » la famille Wild, qui habite la vallée de la Nahe et qui fournit des maires au village de Staudenheim depuis l’époque de la République française ; et puis, entre toutes les familles du Palatinat, la plus marquante et la plus riche, la famille de Gienanth, qui habite une importante villa, entourée de jardins, au bord de l’Alsenz, au pied du Mont Tonnerre. Tous ces notables, toutes ces belles familles palatines, dont la fortune et le renom se sont faits sous l’Empire français et que le petit instituteur palatin célèbre sous le nom latin d’Honoratiores, sont entourés de la considération du pays. Ils mènent la vie simple des paysans de leur voisinage, soutiennent de leurs dons les établissements de bienfaisance, les écoles et les églises, tracent à leurs frais des chemins ruraux et distribuent des pensions aux ouvriers invalides ou aux veuves nécessiteuses. Bref, les notables palatins sont les vrais représentants de leur race. Becker voit en eux « les types les plus parfaits du caractère palatin, énergique, pratique et persévérant. »

Je m’arrête avec plaisir sur ces détails, que nous ont souvent