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jugement et châtiment. Favorisés par le cours du change, des agents anglais achetèrent terrains, maisons, firmes commerciales, dans des conditions qui interdisaient toute concurrence aux Polonais. Au moment où les bolchévistes s’approchaient de Varsovie, sir Reginald Tower vint à Spa dans l’intention de faire approuver à la Conférence une « constitution » des territoires de Dantzig, qui transformerait la ville libre prévue par le traité en un véritable État indépendant, indépendant de droit, indépendant de fait à l’égard de la Pologne, mais étroitement dépendant de l’Angleterre. L’assemblée locale vota la Constitution par 68 voix allemandes contre 44 polonaises et socialistes. Si les Puissances la ratifiaient, les bouches de la Vistule passeraient sous le contrôle britannique. La Pologne trouverait sans doute à Dantzig toutes commodités pour ses exportations et importations, mais à la condition de passer par l’intermédiaire anglais, de se servir des bateaux anglais, des grues anglaises, des docks anglais…

Les événements politiques et militaires n’allaient pas tarder à montrer où tendaient les errements du haut-commissaire britannique représentant l’autorité des Alliés vainqueurs. Déjà il avait refusé de laisser entrer dans le port de Dantzig les six torpilleurs livrés par l’Allemagne et attribués à la Pologne par la Conférence de Paris ; il alléguait que la Pologne n’a le droit, — le traité ne précise pas, — de faire entrer à Dantzig que des bâtiments de commerce. La Pologne apprenait ainsi qu’il n’est permis à aucune Puissance nouvelle de faire flotter son pavillon, si humblement que ce soit, dans la Baltique, mer anglaise. Ce n’était rien encore. Au moment le plus critique de la bataille, où le sort de la Pologne dépendait de l’arrivée des obus, on vit sir Reginald Tower, au mépris de la lettre et de l’esprit du traité de Versailles, refuser l’entrée du port aux bateaux chargés de munitions. Dans cette ville, où le haut-commissaire exerce, au nom des Alliés, l’autorité suprême, on vit les ouvriers allemands refuser de débarquer des munitions et de laisser partir les trains qui devaient conduire à Varsovie les volontaires polonais venus d’Amérique à l’appel de la patrie. Sir Reginald ne fit rien pour mettre fin à une si odieuse violation du traité de Versailles. Il fallut que les Polonais se sauvassent eux-mêmes, avec l’aide de la France I Leur victoire, qui libère l’Europe et la civilisation, a brisé la