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et en Transcaucasie n’est plus qu’un souvenir ! Les Indes, l’Afghanistan et même l’Egypte s’agitent[1]. L’Angleterre s’est aperçu un peu tard qu’elle n’avait pas en Orient des forces militaires proportionnées à l’ampleur de ses desseins politiques ; il fallut abandonner précipitamment les grandes ambitions continentales pour parer au plus pressé, et s’en tenir à une politique des ports ; il ne s’agit plus que d’assurer à l’Empire britannique la haute main sur les Détroits des Dardanelles et du Bosphore et la suprématie commerciale dans la Mer Noire.

L’expérience prouvait qu’en face du nationalisme turc insurgé, armé et appuyé par l’offensive des bolchévistes, il fallait à l’Angleterre un « soldat continental. » Avec un sens merveilleux de l’occasion à saisir, M. Vénizélos offrit son pays et ses forces militaires ; déjà, en plusieurs circonstances, il avait insisté pour qu’on se servit de son armée qui a peu souffert dans la Grande Guerre et qu’il tenait toujours prête à entrer en campagne en Anatolie ou en Thrace. Le traité de Sèvres allait dépasser ses espérances, donner gain de cause à toutes les revendications helléniques et établir la Grèce à quelques kilomètres de Constantinople ; le grand homme d’Etat comprit que pour que son pays fût à la hauteur d’une si haute fortune, il lui fallait la mériter par la valeur de ses services ; peut-être, ainsi, se préparerait-il, pour l’avenir, d’autres succès encore, et de plus éclatants. L’offre du gouvernement hellénique agréait aux Alliés dans l’embarras, et particulièrement à l’Angleterre, car la Grèce nouvelle est formée surtout de côtes et d’îles qui n’ont d’autre lien entre elles que, la mer ; comme l’ancienne confédération d’Athènes, elle a son centre à Délos ; elle est par conséquent dans l’étroite dépendance de la grande Puissance maîtresse des mers. Le soldat grec fut donc agréé et entra aussitôt en campagne avec succès.

Le secret des conférences d’où est sorti le traité de. Sèvres a été bien gardé, mais nous serions surpris si ce n’était pas un plénipotentiaire anglais qui ait insisté pour que toute la Thrace et Smyrne fussent attribuées à la Grèce, et nous aimons à croire qu’il s’est trouvé un Français pour faire remarquer que les solutions adoptées préparaient pour l’avenir de la Grèce un danger, dans la mesure même où elles constituent un défi au

  1. Voyez notre article du 15 avril 1920 : l’Offensive de l’Asie.